Le PSI étudie une nouvelle méthode de traitement du cancer

Les chercheurs de l’Institut Paul-Scherrer (PSI) étudient une nouvelle méthode destinée à introduire de manière ciblée des substances radioactives dans le noyau cellulaire des cellules cancéreuses. La source de rayonnement reste ainsi confinée à l’intérieur de la cellule et agit de manière plus ciblée, car elle se retrouve plus près du matériel génétique. Ce principe d’action pourrait traiter plus efficacement plusieurs types de cancer avec moins d’effets secondaires que la chimiothérapie.

27 avr. 2016
Cristina Müller, pharmacienne, étudie une possibilité d’améliorer encore l’effet des nucléides radioactifs directement dans le noyau cellulaire.
Cristina Müller, pharmacienne, étudie une possibilité d’améliorer encore l’effet des nucléides radioactifs directement dans le noyau cellulaire.
Source: PSI / Mahir Dzambegovic

L’un des principaux objectifs du traitement contre le cancer est de frapper les cellules malignes en plein cœur, autrement dit dans le noyau cellulaire, là où se trouve l’information génétique de l’acide désoxyribonucléique (ADN). Dans le cas des cellules cancéreuses, l’ADN a subi une altération pathologique qui entraîne une division cellulaire plus rapide et plus fréquente que celle des cellules normales. De nombreuses cytotoxines utilisées dans le traitement de maladies cancéreuses par chimiothérapie atteignent le noyau cellulaire et interviennent précisément dans ces processus qui sont importants pour la division cellulaire. Alors que d’autres perturbent le métabolisme des tumorales pour inhiber leur croissance. Les cytotoxines agissent donc toutes à l’intérieur de la cellule et tout particulièrement quand elle se divise. Cependant, nombre de cytotoxines ne sont pas spécifiques et attaquent aussi les tissus de l’organisme qui se renouvellent fréquemment, comme les cheveux et les muqueuses. Lors de radiothérapies conventionnelles également, où l’on irradie depuis l’extérieur, les cellules saines peuvent être endommagées. Les radionucléides utilisés adhèrent au récepteur et restent alors à l’extérieur, ou sont acheminés jusqu’au plasma cellulaire. Toutefois, le nucléide proprement dit n’atteint pas l’intérieur du noyau cellulaire.

Deux voies qui mènent au but

Cristina Müller, pharmacienne du Centre des sciences radiopharmaceutiques (ZRW) au PSI, étudie avec son équipe une possibilité d’améliorer encore l’effet des nucléides radioactifs directement dans le noyau cellulaire. Un objectif qu’elle atteint de deux façons: d’un côté, elle utilise un nouveau nucléide qui n’a encore jamais été utilisé chez des patients, de l’autre elle couple la substance radioactive à un peptide supplémentaire, un SLN (signal de localisation nucléaire). Ce SLN est capable de franchir la membrane nucléaire en se liant à des molécules de transport et d’introduire n’importe quelles substances dans le noyau cellulaire.

Pour ses études, Cristina Müller utilise un nucléide de terbium. Cet élément est un métal du groupe des terres rares. Pour la chercheuse, il est particulièrement intéressant, car il existe quatre nucléides radioactifs de terbium qui émettent différents types de rayonnement. Ils peuvent ainsi couvrir tout le spectre du diagnostic et du traitement en médecine nucléaire. Leur développement pour l’application clinique, toutefois, n’en est qu’au début, car certains de ces nucléides sont très difficiles à produire. L’isotope terbium-161 (Tb-161), avec lequel Cristina Müller travaille actuellement, peut être produit au PSI. Il est fabriqué à partir d’un élément chimique, le gadolinium, à la source de neutrons SINQ.

Attaque directe dans le noyau cellulaire

Le Tb-161 émet deux types de rayonnement qui présentent une portée différente et se complètent. Ils peuvent donc être utilisés conjointement dans le traitement du cancer. L’un de ces rayonnement est le rayonnement bêta moins (b-), dont la portée est de quelques millimètres seulement. Il pénètre toute la cellule et des centaines de cellules voisines.

Le Tb-161 émet par ailleurs ce qu’on appelle des électrons Auger. Leur portée est de moins d’un micromètre et donc largement inférieure au diamètre d’une cellule. A l’extérieur de la cellule tumorale, ils ne seraient donc pratiquement d’aucune utilité. A l’intérieur du noyau cellulaire, en revanche, ils peuvent endommager les brins d’ADN de manière à ce que la cellule ne puisse plus se diviser. «Dans nos expériences sur des cultures cellulaires, nous avons montré maintenant que ce principe fonctionnait vraiment et que les cellules présentaient davantage de cassures au niveau des double-brins de l’ADN, explique la pharmacienne. Mais cela ne se produit que si nous couplons d’abord la substance radioactive avec un SLN».

De nombreuses applications possibles dans le traitement du cancer

Cristina Müller est convaincue qu’à l’avenir, la radiothérapie métabolique permettra de traiter plus efficacement certains types de cancer, avec moins d’effets secondaires que la chimiothérapie. En raison de la très faible portée de ses électrons Auger, le Tb-161 serait particulièrement approprié pour éliminer des cellules cancéreuses ou des amas cellulaires disséminés dans l’organisme. A cela s’ajoute que le rayonnement b- de ce nucléide et sa demi-vie sont comparables à ceux du lutécium-177, qui d’après le PSI est déjà utilisé aujourd’hui pour le traitement du cancer. Par rapport au lutécium, le terbium présente un avantage: un effet double grâce à ses deux types de rayonnement.

En dépit de leur potentiel important, les médicaments radiopharmaceutiques ont encore bien des années de travaux de développement devant eux. «Avec notre recherche, nous cherchons à optimiser la radiothérapie métabolique à deux niveaux, d’un côté en utilisant un nucléide plus efficace, de l’autre en acheminant ce nucléide là où il agit le mieux», explique la scientifique.

Les deux types de rayonnement de Tb-161

Le Tb-161 est un radionucléide étudié par des chercheurs au PSI, spécialisés dans les médicaments anticancéreux. Il produit deux types de rayonnement: le rayonnement b- et des électrons Auger. En termes physiques, ces deux types de rayonnement sont composés d’électrons, mais ils diffèrent au niveau de leur origine dans l’atome et de leur énergie cinétique. Les électrons du rayonnement b- apparaissent lorsqu’un neutron se désintègre dans le noyau atomique pour se transformer en un proton et un électron. Ces électrons ont une énergie cinétique élevée et de ce fait une portée relativement importante dans les tissus. Les électrons Auger, en revanche, sont issus de la couche électronique qui entoure le noyau atomique. Ils sont éjectés de cette couche lors d’un processus complexe. Leur énergie et donc leur portée dans les tissus sont nettement plus faibles que celle des électrons qui apparaissent lors du processus b-. Alors que le rayonnement b- est déjà utilisé à des fins médicales sur des patients, les électrons Auger ne sont utilisés pour l’instant qu’en conditions de laboratoire.

Source

M.B./C.B. d’après un communiqué de presse du PSI du 21 avril 2016

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