Sur les traces du Big Bang

Qu’est ce que la masse? Comment la gravité fonctionne-t-elle? Et où est restée l’antimatière? Telles sont quelques-unes des questions auxquelles le Modèle standard actuel de la physique des particules élémentaires n’apporte pas de réponse. Les scientifiques du Cern (Organisation européenne pour la recherche nucléaire) à Genève espèrent trouver des éclaircissements à l’aide de l’accélérateur de particules le plus puissant du monde, le Large Hadron Collider LHC (Grand collisionneur de hadrons). Les premières particules devraient circuler dans l’anneau accélérateur début septembre 2008.

28 août 2008
Deux aimants principaux encore séparés en cours de transfert dans le tunnel du LHC à 100 m de profondeur.
Deux aimants principaux encore séparés en cours de transfert dans le tunnel du LHC à 100 m de profondeur.
Source: Cern, Maximilien Brice

Notre compréhension de l'Univers est lacunaire. C'est ainsi que le «Modèle standard» ne parvient à expliquer ni l'origine de la masse, ni pourquoi certains éléments sont lourds, et d'autres n'ont absolument aucune masse au repos. La gravité fait que les pommes tombent de l'arbre, c'est-à-dire qu'elle exerce un effet parce que la matière a une masse. Ceci, nous le savons depuis Newton. Mais il est tout aussi difficile qu'avant d'intégrer la force de gravitation dans une théorie concluante. Des observations indiquent également que l'ensemble de la matière visible ne constitue que 4% de l'Univers, le reste se composant probablement de matière noire ou d'énergie noire. On ne dispose pas ici non plus d'explication solide.

Protons d'énergie record

Les scientifiques du Cern espèrent que les découvertes faites avec le LHC leur permettront de répondre à ces questions. A cette fin, des protons vont être accélérés en sens opposé dans deux anneaux circulaires et entreront en collision à des points précis. Du fait de la violence de la collision, les protons se décomposent en particules secondaires. La particularité du LHC est qu'il peut accélérer les protons jusqu'à une énergie record de 7 téraélectronvolts chacun (TeV). On espère pouvoir découvrir ainsi de nouvelles particules élémentaires plus lourdes. Même si 1 TeV est comparable à l'énergie cinétique d'un moustique en vol, l'énergie totale d'un faisceau de particules correspond à celle d'un train de 400 tonnes roulant à 150 km/h.

Un autre objectif des chercheurs est de simuler la période qui a immédiatement suivi le Big Bang. L'Univers a probablement traversé à ce moment une phase au cours de laquelle la matière se composait d'une «soupe» extrêmement chaude et épaisse, à savoir le «plasma de quark-gluons (QGP)», qui a précédé la matière actuelle. Pour atteindre cet état, on projette l'un contre l'autre des noyaux d'atomes de plomb dans le LHC, ce qui libère une énergie énorme sur un espace extrêmement restreint et entraîne des températures telles que celles qui ont dû régner pendant quelques instants seulement (10-25 secondes) après le Big Bang.

Du lancement à la collision

A partir d'un accélérateur linéaire, les noyaux d'atomes parviennent dans le premier de quatre anneaux de stockage (accélérateurs circulaires). Celui-ci recueille et accélère les particules, puis les transmet avec une énergie plus élevée au prochain grand anneau. Le LHC est le dernier et, avec une circonférence de 27 km, le plus grand des accélérateurs circulaires de toute l'installation. Les particules se déplacent ici en sens opposé dans deux tubes parallèles et entrent en collision à quatre points différents. Les tubes sont placés sous vide de manière à éviter des collisions avec des molécules de gaz. Des «résonateurs» accélèrent les particules et les maintiennent en paquets. Presque 3000 de ces paquets, avec 100 milliards de protons chacun, traversent le LHC à une vitesse de 0,999999991 fois celle de la lumière. Les électroaimants supraconducteurs refroidis à 1,9 K (-271°C) maintiennent les particules sur leur trajectoire et focalisent le faisceau de particules afin d'augmenter les chances de collision aux points d'intersection des trajectoires.

600 millions de collisions par seconde

Chaque collision entraîne la formation de particules secondaires. Celles-ci s'échappent du point de collision vers l'extérieur et traversent divers types de détecteurs. On observe notamment ici la trace des particules ou on mesure leur énergie. Ces informations permettent aux chercheurs de calculer la masse, la vitesse et la charge de ces particules secondaires. La quantité des données à traiter provenant des quatre grandes expériences est immense (15 millions de gigabytes par an). Si l'on voulait enregistrer ces données sur CD, on obtiendrait une pile de CD de 20 km de haut. Afin de pouvoir enregistrer et évaluer tout de même ces données, on a développé le LHC Computing Grid (LCG): il s'agit d'un réseau informatique global qui permet de stocker des données de manière décentralisée et de les évaluer en même temps.

Des détecteurs de plusieurs tonnes

Il existe quatre grandes expériences installées dans le LHC: Alice, Atlas, CMS et LHCb. Alice, acronyme pour «A Large Ion Collider Experiment», est un détecteur spécialisé dans l'analyse des collisions de noyaux de plomb. Le détecteur Atlas («A Toroidal LHC Apparatus») couvre un vaste spectre d'analyses. Il devra notamment fournir une explication sur l'origine de la masse par la démonstration de la particule de Higgs. Le détecteur fait 46 mètres de long, 25 de large et 25 de haut, ce qui en fait le plus grand détecteur jamais construit pour un collisionneur. Le détecteur «Compact-Muon Solenoid» (CMS) poursuit les mêmes objectifs qu'Atlas, mais avec une conception et des solutions techniques différentes. Avec ses 12'500 tonnes, le CMS est le détecteur le plus lourd au LHC. Les physiciens partaient par ailleurs du principe que lors du Big Bang, autant d'antimatière que de matière a été produite: or les observations actuelles montrent que l'Univers n'est constitué que de matière. Le LHCb («Large Hadron Collider beauty») doit permettre aux chercheurs de trouver une explication à cette asymétrie entre matière et antimatière.

Vue à l'intérieur du détecteur Atlas, d'un poids de sept tonnes.
Vue à l'intérieur du détecteur Atlas, d'un poids de sept tonnes.
Source: Cern, Claudia Marcelloni, Max Brice

Sécurité

Les scientifiques discutent depuis des années sur les réserves qui peuvent être formulées quant à la sécurité de collisions à des énergies aussi élevées que celles qui vont se produire au LHC. Un rapport élaboré en 2003 par un groupe de scientifiques indépendants montre que les collisions à l'intérieur du LHC ne présentent aucun danger pour l'homme et pour l'environnement. Se fondant sur de nouvelles découvertes expérimentales et une connaissance approfondie, le groupe de travail Sécurité du LHC a confirmé depuis ces résultats. Tout ce que le LHC reproduit a déjà été fait d'innombrables fois par la nature depuis l'existence de la Terre. Plus de dix mille milliards de processus comme ceux qui interviennent au LHC se déroulent chaque seconde dans l'Univers, or les étoiles et les galaxies existent toujours.

Derniers préparatifs

Les 1700 aimants supraconducteurs sont refroidis par étapes depuis janvier 2007. La température d'exploitation de 1,9 K a été atteinte entre temps, et les aimants sont encore soumis actuellement à un contrôle final. Les premiers faisceaux de particules devraient être injectés dans le LCH début septembre.

Source

M.B./C.P.

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