Voyage de presse du Forum nucléaire dans le Bade-Wurtemberg

Le voyage de presse du Forum nucléaire organisé en octobre 2008 sur le thème de la «Sûreté et du refroidissement dans les centrales nucléaires modernes» a permis à des journalistes alémaniques et romands de visiter l’Institut des techniques de l’énergie et du nucléaire (IKET) près de Karlsruhe, lequel justifie de décennies d’expérience internationale dans le domaine de la recherche sur la sûreté nucléaire. Les participants se sont par ailleurs rendus à la centrale nucléaire de Neckarwestheim; située non loin de Stuttgart, cette installation dispose d’une tour de refroidissement hybride, dont devraient aussi être dotées les nouvelles centrales nucléaires à construire en Suisse.

2 déc. 2008
Essais proches de la réalité: témoins des essais de fusion avec des récupérateurs au Centre de recherche de Karlsruhe.
Essais proches de la réalité: témoins des essais de fusion avec des récupérateurs au Centre de recherche de Karlsruhe.
Source: Forum nucléaire suisse

L'Institut des techniques de l'énergie et du nucléaire (IKET) est rattaché au Centre de recherche de Karlsruhe qui est l'un des plus grands organismes de recherche européenne sur les sciences naturelles et de l'ingénieur.

Créé en 1999, l'IKET est issu de deux instituts nucléaires et se réfère à des décennies d'expérience internationale dans le domaine de la recherche sur la sûreté nucléaire. Les travaux qui ont été et sont toujours menés par lui portent notamment sur les conséquences possibles d'incidents graves dans les centrales nucléaires de la deuxième génération, actuellement en service, et dans les systèmes modernes de réacteurs de la troisième génération.

Core catcher: tests de dureté

Dès les années 1990, l'IKET a développé et testé diverses variantes d'un dispositif destiné à récupérer le cœur fondu d'un réacteur, en cas d'accident. Aménagé sous la cuve du réacteur, ce récupérateur spécial appelé «core catcher» doit permettre à la matière en fusion de se répandre et de refroidir, dans l'éventualité d'une défaillance de la cuve. L'équipe de chercheurs menée par le professeur Thomas Schulenberg, directeur de l'IKET, a examiné au cours d'expériences à grande échelle les possibilités de refroidir la masse en fusion déversée et d'évacuer la chaleur résiduelle. Les chercheurs ont notamment déversé sur du béton une matière en fusion similaire au combustible nucléaire, mais non radioactive, en simulant les rejets de chaleur résiduelle à l'aide de dispositifs de chauffage supplémentaires.

Les résultats de ces essais proches de la réalité ont montré aux ingénieurs comment construire le «core catcher», dont est d'ores et déjà équipé le réacteur européen à eau sous pression (EPR) d'Areva.

Mise en œuvre pratique: le core catcher dans l'EPR en cours de construction à Olkiluoto (Finlande) et à Flamanville (France).
Mise en œuvre pratique: le core catcher dans l'EPR en cours de construction à Olkiluoto (Finlande) et à Flamanville (France).
Source: TVO

La cuve du réacteur comme récupérateur

L'accident survenu à Three Mile Island a montré que le cœur en fusion peut rester confiné dans la cuve du réacteur. Les calculs de l'IKET ont également établi que dans les centrales nucléaires actuelles de la deuxième génération, un cœur fondu de réacteur peut être refroidi de manière suffisante à l'intérieur de la cuve. Les chercheurs de Karlsruhe étudient aujourd'hui le comportement de cœurs en fusion et les conditions dans lesquelles la masse se fige. Les travaux de recherche ont pour but de démontrer que la cuve du réacteur suffit à elle seule à assurer le confinement fiable du combustible fondu et servirait donc, dans un cas extrême, de récupérateur.

Essais à grande échelle sur le comportement de l'hydrogène

Un autre effet observé à Three Mile Island a été le rejet de gaz hydrogène hautement explosif. Les chercheurs de l'IKET ont effectué de nombreuses expériences sur tous les aspects de ce phénomène, et les centrales nucléaires actuelles bénéficient déjà du résultat de ces recherches. Les installations sont en effet équipées de systèmes passifs qui, en cas d'incident et d'accident graves, transforment l'hydrogène en eau ordinaire et permettent ainsi d'éliminer le danger d'explosion. Mais les expériences sur le comportement de l'hydrogène ne servent pas seulement la recherche sur la sûreté nucléaire, a expliqué Wolfgang Breitung, directeur des travaux dans ce domaine. En perspective de la large utilisation de ce gaz dans une future économie de l'hydrogène, les recherches fournissent aussi des résultats importants pour nombre d'entreprises et d'organisations.

Expériences explosives: installation d'essai pour des recherches sur le comportement de l'hydrogène.
Expériences explosives: installation d'essai pour des recherches sur le comportement de l'hydrogène.
Source: Forum nucléaire suisse

Système de refroidissement à la centrale nucléaire de Neckarwestheim

Le voyage a par ailleurs conduit les participants à la centrale nucléaire de Neckarwestheim, près de Stuttgart, qui est dotée d'une tour de refroidissement hybride. Ainsi que l'a expliqué aux journalistes Steffen Riehm, de la EnBW Kernkraft GmbH, exploitante de la centrale, il s'agit en l'espèce de la plus grande tour de ce type dans le monde (capacité de réfrigération: 2500 MW). Contrairement aux tours de réfrigération humide à tirage naturel, dont le fonctionnement par flux d'air ascendant est simple, une tour de refroidissement hybride comporte deux niveaux. La partie humide se situe tout au bas de la tour. Une partie de l'eau échauffée en provenance du condenseur y est pulvérisée comme dans les tours de réfrigération humide à tirage naturel. La partie sèche se situe à l'étage au-dessus. C'est ici que, dans des conduits fermés, l'autre partie de l'eau de refroidissement remet sa chaleur à l'air, lequel est ensuite propulsé dans la tour. L'air étant chaud et sec, il peut absorber de grandes quantités de vapeur d'eau (humidité) en provenance de la partie humide, de sorte que la formation d'un panache de gouttelettes reste limitée.

Autre caractéristique évidente de la tour hybride: sa faible hauteur - 50 mètres environ - ce qui équivaut à un tiers seulement de la hauteur des tours de refroidissement des centrales nucléaires de Gösgen ou de Leibstadt.

Tour de refroidissement hybride de la tranche 2 de Neckarwestheim: hauteur réduite et panache visuel limité.
Tour de refroidissement hybride de la tranche 2 de Neckarwestheim: hauteur réduite et panache visuel limité.
Source: GKN

C'est pour sa partie sèche notamment que la tour de réfrigération hybride doit être équipée de ventilateurs afin d'assurer un flux d'air suffisant. Ces ventilateurs utilisent du courant produit par la centrale, une quantité qui, dans le cas de Neckarwestheim, représente 1,4% de sa production d'électricité. Avec ses deux tranches, l'installation dispose d'une puissance électrique de 2240 MW.

Aération renforcée: quelques-uns des ventilateurs dans la partie humide de la tour de réfrigération hybride à Neckarwestheim.
Aération renforcée: quelques-uns des ventilateurs dans la partie humide de la tour de réfrigération hybride à Neckarwestheim.
Source: Forum nucléaire suisse

Conséquences pour le Bade-Wurtemberg de la politique allemande d'abandon du nucléaire

Lors d'une rencontre en soirée à Stuttgart, Tanja Gönner, ministre de l'Environnement du Bade-Wurtemberg, a présenté aux journalistes la situation du land en matière de production et d'approvisionnement en électricité. La décision d'abandon du nucléaire frappe le Bade-Wurtemberg de plein fouet. Selon T. Gönner, les capacités supprimées devront, en plus des mesures d'efficacité énergétique et du développement des énergies renouvelables, être remplacées en grande partie par des centrales à combustible fossile - à charbon surtout. Cela détériorera massivement le bilan CO2, notamment dans le Bade-Wurtemberg, où la part de la production nucléaire représente 50%. Bon nombre de consommateurs n'en sont pas conscients. Or c'est leur comportement qui, en fin de compte, déterminera la consommation future.

Source

M.R./M.S./P.V.

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