Cour constitutionnelle allemande: la sortie accélérée du nucléaire est anticonstitutionnelle

La Cour constitutionnelle fédérale a rendu son jugement le 6 décembre 2016: la sortie accélérée du nucléaire décidée par le gouvernement allemand suite à l’accident de réacteur de Fukushima-Daiichi n’a pas les caractéristiques d’une expropriation. La Cour a cependant estimé qu’elle était en violation avec certains points de la législation.

9 déc. 2016

A l’été 2011, après les évènements survenus à Fukushima-Daiichi, le gouvernement allemand a décidé d’accélérer la sortie du nucléaire du pays par le biais de la treizième modification de la loi sur l’énergie nucléaire (13e AtG Novelle). Il revenait ainsi sur une modification de la loi, votée plus tôt, et qui autorisait une prolongation de la durée d’exploitation des tranches nucléaires allemande de douze ans en moyenne. Suite à cela, les trois énergéticiens E.On Kernkraft GmbH, RWE Power AG et Vattenfall AB avaient déposé plainte car ils jugeaient avoir été expropriés en raison de la sortie accélérée du nucléaire.

Dans son jugement du 6 décembre 2016, la Cour constitutionnelle fédérale a indiqué que la 13e AtG Novelle qui avait pour objectif une sortie accélérée du nucléaire était conforme à la Constitution. Elle a aussi indiqué qu’en vertu de cette loi, les caractéristiques d’une expropriation n’étaient pas réunies étant donné qu’une expropriation présupposait la privation de propriété en raison d’un changement d’affectation ainsi que l’acquisition d’un bien, ce qui n’est pas le cas ici. Cependant, la Cour a précisé aussi que le législateur ne pouvait intervenir à sa guise dans les droits de propriété. Ainsi, en décidant une sortie accélérée du nucléaire, le gouvernement a porté atteinte à la confiance légitime. Les entreprises sont donc en droit de réclamer des compensations.

Prises de position d’E.On, …

E.ON a salué la décision de la Cour constitutionnelle fédérale selon laquelle l’abandon anticipé de l’atome donne droit à des indemnisations appropriées. La Cour salue ainsi l’importance de la confiance dans les décisions d’investissements prises sur la base de décisions politiques. En effet, E.On avait investi plusieurs centaines de millions d’euros dans une exploitation à long terme des centrales nucléaires en se basant sur le concept énergétique à long terme du gouvernement de fin 2010. Ce concept considérait l’énergie nucléaire comme une énergie de transition. Dans le cadre de l’accélération du tournant énergétique suite à l’accident de réacteur de Fukushima-Daiichi et de la sortie du nucléaire associée, ces investissements ont été complètement dévalorisés, estime E.On. La Cour constitutionnelle fédérale estime désormais que le législateur aurait dû au moins prendre en compte ces pertes financières dans sa décision. La mise en œuvre des prescriptions constitutionnelles avant mi-2018 relève désormais de la responsabilité de la politique.

E.On a indiqué qu’elle était prête à engager des discussions constructives concernant la mise en œuvre concrète du jugement du gouvernement fédéral. L’entreprise ne s’attend pas à recevoir de paiements sur le court terme étant donné que ces discussions prendront du temps. Pour elle, seule une analyse approfondie du jugement permettra d’en dire davantage sur le montant réel des droits globalement constatés.

E.On exploite actuellement trois des huit tranches nucléaires encore en exploitation en Allemagne. La loi prévoit que Grohnde (PWR, 1360 MW) et Brokdorf (PWR, 1410 MW) seront définitivement arrêtées en 2021, et Isar 2 (PWR, 1410 MW) en 2022. L’entreprise a déjà dû mettre provisoirement à l’arrêt les tranches Isar 1 et Unterweser à l’été 2011 dans le cadre d’un moratoire, puis Grafenrheinfeld à l’été 2015.

… de RWE et …

Concernant RWE, l’entreprise a indiqué dans son communiqué de presse que la décision de la Cour permettait de clarifier la situation pour les entreprises et les propriétaires. La Cour constitutionnelle fédérale a mis en évidence le fait que les réglementations légales concernant la mise en œuvre de la sortie du nucléaire constituaient une ingérence dans la situation juridique de RWE Power AG. La 13e AtG-Novelle enfreint le droit fondamental de propriété de l’entreprise étant donné que les anciennes quantités restantes d’électricité issues par exemple du contingent de Mülheim-Kärlich ont été prises sans être indemnisées. Dans le cadre de la sortie du nucléaire de 2002, RWE avaient obtenu ce contingent pour la production d’électricité dans ses centrales et renoncé en échange à un dédommagement dans le cadre de la procédure de Mülheim-Kärlich. Or la 13e AtG-Novelle ne permet plus à l’entreprise d’utiliser ce contingent pour produire de l’électricité dans ses installations. La Cour a estimé qu’il s’agissait ici d’une intervention anticonstitutionnelle dans le droit de propriété de l’entreprise. «Le jugement rendu aujourd’hui par la plus haute juridiction allemande permet de clarifier une question juridique fondamentale pour notre entreprise et ses propriétaires», a déclaré le président de RWE, Matthias Hartung. «RWE étudiera désormais dans le détail les considérants écrits et décidera ensuite de la procédure ultérieure.»

RWE exploite actuellement trois tranches nucléaires: Gundremmingen-B (BWR, 1284 MW), qui sera définitivement arrêtée en 2017, Gundremmingen-C (BWR, 1288 MW), en 2021, et Emsland (PWR, 1335 MW), en 2022. L’entreprise avait été contrainte d’arrêter de manière anticipée les tranches Biblis-A et -B à l’été 2011.

… de Vattenfall

Concernant Vattenfall, le jugement de la Cour constitutionnelle fédérale confirme selon elle expressément que l’arrêt immédiat ordonné des centrales nucléaires de l’entreprise est une violation de la garantie de propriété, du principe de l’égalité ainsi que du principe de la confiance légitime. Par ailleurs, le jugement indique dans le détail que la 13e AtG-Novelle aurait dû faire l’objet d’une compensation de ce point de vue. Vattenfall n’est pas encore fixée sur le montant, le type et la date du dédommagement.

Vattenfall possède des parts majoritaires dans deux réacteurs à eau bouillante d’Allemagne: Brunsbüttel (66,7%) et Krümmel (50%). Dans le cadre de la sortie anticipée du nucléaire suite à Fukushima, elle a été contrainte de déconnecter immédiatement du réseau les deux installations. L’exploitante possède également une part minoritaire (20%) dans le réacteur à eau sous pression de Brokdorf.

EnBW Baden-Württemberg AG (EnBW), exploitante de Neckarwestheim 2 et Philippsburg 2, n’a pour le moment publié aucune position concernant le jugement qui vient d’être rendu.

Source

M.B./C.B. d’après des communiqués de presse de la Cour constitutionnelle allemande du 6 décembre 2016, d’E.On, de RWE et de Vattenfall du 6 décembre 2016

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