Conférence de Mme Anne Lauvergeon, présidente du directoire d'Areva, lors de l'assemblée générale du Forum nucléaire suisse du 23 septembre 2005

22 sept. 2005
Anne Lauvergeon: «La très forte compétitivité du nucléaire est un atout indiscutable sur des marchés de l'électricité de plus en plus ouverts à la concurrence.»
Anne Lauvergeon: «La très forte compétitivité du nucléaire est un atout indiscutable sur des marchés de l'électricité de plus en plus ouverts à la concurrence.»
Source: Alexander Egger

1. Introduction

L'énergie est aujourd'hui au cœur de nombreux enjeux, allant de la compétitivité économique à la préservation de notre environnement. Le débat énergétique suisse actuel en témoigne. La Suisse a opté très tôt pour l'option nucléaire en complément de l'hydraulique et l'a fait en recourant souvent à une consultation démocratique. Elle a ainsi posé les bases d'une politique qui lui permet d'envisager avec une certaine sérénité l'avenir de son approvisionnement. Are-va, présent auprès des électriciens suisses depuis de nombreuses années, intègre au quotidien la dynamique d'un marché de l'électricité en forte évolution et la vitalité du débat suisse pour accompagner au mieux ses clients.
Le groupe Areva est un leader mondial dans les métiers de l'énergie. Il fournit des solutions technologiques pour la production électronucléaire et l'acheminement de l'électricité. Dans le nucléaire, Areva est présent sur chacun des segments du cycle du combustible, de la mine au recyclage en passant par les réacteurs. Le groupe compte 70'000 collaborateurs et une présence industrielle dans 40 pays. Il a réalisé en 2004 un chiffre d'affaires de plus de 11 milliards d'euros.
Son activité place donc Areva au cœur des problématiques de l'énergie. Sa responsabilité de leader du secteur conduit naturellement Areva à contribuer à relever les défis auxquels la Suisse et le monde doivent faire face.

2. Les défis de la politique énergétique et environnementale

Ceux-ci sont d'ordre démographique, économique, et environnemental.
La démographie est le premier facteur: 6 milliards d'hommes ont besoin chaque année de l'équivalent en énergie de 10 milliards de tonnes de pétrole. Et le nombre d'habitants de notre planète continue de progresser.
De plus, cette consommation est très inégalement répartie dans les diverses régions du monde: encore aujourd'hui, deux milliards d'hommes n'ont accès qu'au bois de chauffe et autres ressources «renouvelables» comme il y a 5000 ans. Et sans accès à un minimum d'énergie, il n'y a pas de développement!
N'oublions pas que dans nos pays industrialisés, la consommation augmente aussi, tirée par exemple par l'explosion des moyens modernes comme l'ordinateur. En Suisse, la consommation d'énergie augmente d'environ 2% par an, malgré les efforts de modération qui sont entrepris.
Ainsi, sous la triple pression de la démographie, du besoin légitime de développement des régions les moins favorisées, et du style de vie des pays industrialisés, la demande va, qu'on le veuille ou non, continuer à augmenter significativement. Au niveau mondial, la plupart des analystes prévoient aujourd'hui un doublement de la consommation dans la première moitié du XXIème siècle.
En outre, nous devons investir non seulement pour suivre la demande mais également pour renouveler nos moyens de production. En effet, nos infrastructures datent souvent de plus d'un demi-siècle. En matière nucléaire, la Suisse a été un pays précurseur; les premières centrales, à Beznau, datent de 1969 et de 1971. La question de leur remplacement, à l'horizon pas si lointain de 2020, se pose.
Nous devons donc, aujourd'hui, faire des choix de politique énergétique qui, comme il y a 50 ans, doivent optimiser sécurité d'approvisionnement et compétitivité économique. L'économie suisse sera d'autant plus dynamique que le coût de son énergie, et notamment de l'électricité, sera concurrentiel. Ces défis sont bien connus de tous, leur visibilité est renforcée auprès des citoyens par un baril de pétrole à 70 dollars.
Mais au XXIème siècle nous devons, en plus, intégrer dans nos choix un défi inédit: le changement climatique. La Suisse a été un des premiers pays à prendre conscience de cette menace, l'un des premiers à ratifier le Protocole de Kyoto, l'un des premiers à définir et à mettre en œuvre un plan d'action, et ce dès le début des années 1990.
Aujourd'hui, le Protocole de Kyoto est un premier pas, mais le véritable enjeu est d'aller bien au-delà et d'impliquer dans le mouvement, d'une manière ou d'une autre, l'ensemble des pays, y compris des pays comme la Chine, l'Inde ou le Brésil. Le formidable développement de ces pays en pleine croissance est éminemment légitime, ce qui fait d'eux des acteurs incontournables de la lutte contre le réchauffement climatique, au même titre que les États-Unis, le Japon, la Russie ou les pays européens.

3. Nous avons besoin de toutes les solutions

Pour répondre à ces défis - sécurité d'approvisionnement, compétitivité, respect de l'environnement - il n'y a pas de solution miracle. Mais il y a une seule approche possible: utiliser pleinement toutes les solutions à notre disposition.
C'est le sens du plan d'action suisse, et ce sont les axes des politiques énergétiques et environnementales de la plupart des pays:

  • - Il faut améliorer toujours et encore l'efficacité énergétique. Autant dans l'utilisation de l'énergie - et c'est un chantier de longue haleine - que dans la production et dans la transmission d'électricité.
  • - Les transports jouent un rôle très important dans les émissions de carbone. Leur part relative est encore plus importante dans des pays comme la Suisse où la production d'électricité est quasiment sans carbone. Développer des transports plus propres est donc un enjeu majeur.
  • - Dans de nombreux pays, le recours au charbon, au pétrole ou au gaz restera nécessaire. Là, il faut se donner les moyens d'atténuer leurs effets sur le climat. Des recherches sont en cours sur la «séquestration du carbone», c'est une voie à suivre. Mais nous sommes encore loin du but.
  • - et surtout, nous devons recourir aux énergies sans carbone. Les énergies renouvelables ont un rôle à jouer, mais nous savons tous que le vent ou le soleil ne sont pas disponibles en continu, et que de nombreux pays n'ont pas assez de sites qui s'y prêtent.
  • - Donc, pour faire face aux besoins permanents qui sont les nôtres, les besoins pour la production de base notamment, nous devons utiliser les deux technologies qui ont fait leur preuve: le nucléaire, et la grande hydraulique.

Ces deux technologies sont économiquement compétitives et propres. Sur ce plan, la Suisse donne l'exemple: avec 58% d'électricité hydraulique et 38% d'électricité nucléaire, on peut difficilement faire mieux!

4. Un regain d'intérêt pour le nucléaire partout dans le monde

Toutes ces raisons expliquent pourquoi de plus en plus d'électriciens, dans un nombre croissant de pays, prennent conscience de ce que le nucléaire peut apporter et renouvellent ou montrent un premier intérêt pour cette forme d'énergie.
Cela se traduit d'abord par des investissements dans les centrales existantes. En effet, la très forte compétitivité du nucléaire est un atout indiscutable sur des marchés de l'électricité de plus en plus ouverts à la concurrence. Et de fait, là où il y a cinq ans on parlait de fermeture, aujourd'hui on parle d'extension de durée de vie. C'est vrai en Suisse, mais aussi en Suède par exemple, qui n'arrive pas à sortir du nucléaire comme il l'envisageait il y a 20 ans, ou aux Etats-Unis, où le marché de la modernisation des centrales existantes nucléaires est très actif.
Cela se traduit ensuite, très concrètement, par la construction de nouveaux réacteurs. Et pas seulement en Asie. Cela se passe chez nous, en Europe. Le premier exemple, c'est bien sûr celui de TVO en Finlande. La Finlande qui ressemble un peu à la Suisse, avec les mêmes exigences de compétitivité, le même souci de l'environnement, et une culture de dialogue et de consultations publiques. Le nucléaire a convaincu sous l'angle économique: c'est avec l'appui de ses gros clients, gros consommateurs d'électricité, que l'électricien TVO a lancé le projet. Le nucléaire a aussi convaincu sous l'angle environnemental, et a recueilli l'assentiment des politiques et des citoyens.
Au terme d'une réelle compétition internationale, TVO a choisi de faire confiance à la technologie développée par les équipes françaises et allemandes d'Areva et de devenir le premier électricien au monde à avoir un réacteur de troisième génération, l'EPR, sur le site de Olkiluoto; ceci avec un calendrier ambitieux de mise en service en 2009, soit une durée de construction de seulement 5 ans.
C'est aussi EDF en France qui, après un large débat ouvert à tous et des analyses approfondies, a décidé de maintenir l'option nucléaire. Pour préparer le renouvellement de son vaste parc, EDF a choisi d'investir dès aujourd'hui dans un EPR «tête de série». Ce sera à Flamanville en Normandie. Le débat public, nécessaire en France pour tout grand projet, est lancé. L'objectif est une mise en service commerciale vers 2012. Il est d'ailleurs intéressant de voir que d'autres électriciens européens envisagent de participer à ce projet aux côtés d'EDF.
Au-delà de l'Europe, cette dynamique favorable au nucléaire s'accélère partout dans le monde. Les électriciens ayant déjà du nucléaire poursuivent leurs programmes de construction, par exemple au Japon et en Corée du sud, mais aussi en Bulgarie avec le projet d'achèvement de la centrale de Belene.
La Chine, géant en pleine croissance, développe un programme de plus de 30 réacteurs en 15 ans. Cela peut nous sembler beaucoup, mais c'est encore peu à l'échelle de ce pays! Et il est encourageant de voir qu'il ne s'agit pas simplement d'une décision de l'administration centrale à Beijing. De fait, presque toutes les provinces demandent à accueillir ces nouveaux réacteurs. Areva, partenaire de longue date de l'industrie nucléaire chinoise, est actuellement en compétition pour la construction de quatre tranches de réacteurs de génération avancée (EPR).
Toujours dans l'actualité, les choses bougent aux États-Unis. Les modifications du processus de licence avaient été un premier pas, la loi sur l'énergie passée cet été confirme le soutien de l'Administration et du Congrès au nucléaire. Mais plus marquant encore, les électriciens américains s'impliquent concrètement. Constellation, qui compte parmi les compagnies d'électricité les plus dynamiques du marché nord-américain, y compris en terme de négoce, est aujourd'hui le partenaire d'Areva dans UniStar Nuclear. A partir d'un schéma industriel et financier très innovant, Constellation et Areva ambitionnent ainsi de construire quatre premiers réacteurs EPR aux Etats-Unis d'ici à 2015.
Et de nombreux autres pays, comme l'Italie ou la Lituanie, mais également le Vietnam ou la Turquie, ont lancé ou relancé des réflexions sur un programme nucléaire.

5. En Suisse aussi, le nucléaire a toute sa place

Suisse aussi, après le vote clair des citoyens en 2003 sur le maintien du nucléaire, l'étude sur «les perspectives pour l'électricité 2020 en Suisse» réalisée par la société Axpo évoque le projet d'un nouveau réacteur. Cette démarche s'inscrit dans une approche responsable de la préparation du futur énergétique - et environnemental - et propose des solutions modernes et réalistes.
Les électriciens suisses peuvent s'appuyer sur leur expérience de plus de 30 ans d'exploitant nucléaire et sur la forte tradition démocratique de leurs citoyens pour construire l'avenir. Si le nucléaire a toute sa place, autant pour des raisons économiques qu'environnementales, il ne se décrète pas. Le choix de construire un nouveau réacteur est toujours renforcé et pérennisé lorsqu'il se fait à travers un débat transparent et factuel. Un processus que la Suisse saura mener à bien.

6. Areva investit pour faire face à une demande croissante

Dans ce contexte redevenu favorable au développement du nucléaire, Areva se donne les moyens de répondre à la demande croissante de ses clients. C'est son devoir de fournisseur responsable et sa responsabilité de leader de l'industrie nucléaire.
Ainsi, Areva investit pour développer ses ressources et ses capacités de production dans l'uranium: mise en production de nouveaux gisements comme Cigar Lake au Canada, ou Muyunkum et Tortkuduk au Kazakhstan; intensification des activités d'exploration qui ont toujours été maintenues, même quand les prix étaient au plus bas.
Areva investit également pour moderniser ses usines: c'est le cas dans l'enrichissement, où Areva mettra en œuvre la technologie de centrifugation la plus compétitive dans la future usine Georges Besse 2; c'est aussi le cas pour la fabrication d'équipements lourds pour les réacteurs dans son usine de Chalon.
Areva investit enfin dans l'innovation, afin de proposer les produits et les services les plus compétitifs. L'EPR est à cet égard un bon exemple. Il apporte plus de sûreté par la réduction du risque de fusion du cœur comme par une approche de conception augmentant sa résistance aux risques externes. Il améliore la compétitivité économique. Il réduit la génération de déchets ultimes et permet un recyclage 100% Mox. Le même esprit prévaut pour offrir des solutions innovantes dans les combustibles ou dans les services au réacteur par exemple.

7. Conclusion

Ces produits, ces services, sont à la disposition des électriciens suisses.
Les acteurs suisses de l'énergie se sont structurés pour jouer un rôle important dans le marché européen de l'électricité. Pour remplir leur rôle de plaque tournante de l'électricité en Europe, ils doivent disposer eux-mêmes de moyens de production stables et flexibles. Le maintien d'un bouquet énergétique économiquement efficace et respectueux de l'environnement, alliant l'hydraulique et le nucléaire, sera un atout pour eux.
Areva est un prestataire de longue date des réacteurs suisses en exploitation. Le groupe a l'ambition de contribuer plus encore à la réalisation des objectifs de ses clients et, par là même, au maintien de la qualité de vie des citoyens suisses.

Source

Anne Lauvergeon

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