Cours d’approfondissement 2013: Les défis liés à l’arrêt définitif des centrales nucléaires

Le cours d’approfondissement 2013 du Forum Nucléaire Suisse portait sur la question des défis posés par la désaffectation et le démantèlement d’une centrale nucléaire. Le cours a été divisé en quatre tranches pour traiter des concepts tels que la mise hors service, des points spécifiques tels que les aspects organisationnels ou psychologiques, et des questions juridiques et pratiques.

23 déc. 2013
Un programme varié au cours d’approfondissement 2013
Un programme varié au cours d’approfondissement 2013
Source: Forum nucléaire suiss

Les 2 et 3 décembre 2013 s’est tenu à Olten le cours d’approfondissement annuel du Forum Nucléaire. Environ 140 personnes avaient répondu à l’invitation de la Commission pour la formation, dirigée par Urs Weidmann, directeur de la centrale nucléaire de Beznau.

La Suisse a elle aussi déjà de l’expérience dans le démantèlement

Roger Lundmark, de swissnuclear, a commencé par un exposé sur différentes manières de procéder lors de la désaffectation. Il a mis en évidence qu’en raison de la distribution de l’âge des installations nucléaires actuellement en service, le nombre d’installations mises à l’arrêt augmentera très rapidement dans les années à venir. Le marché de la désaffectation doit croître pour faire face aux défis que cela implique. M. Lundmark s’est basé sur la perspective internationale et la législation suisse pour effectuer une comparaison des différentes stratégies de désaffectation. De manière générale, il existe trois variantes: «démantèlement immédiat», «démantèlement après confinement sécurisé» et «confinement sécurisé sans démantèlement», cette dernière option n’étant pas prévue par la législation suisse. La comparaison entre les deux premières variantes révèle pour chacune des avantages et des inconvénients. En cas de démantèlement immédiat, le personnel est disponible, et avec lui sa connaissance de l’installation acquise pendant l’exploitation. Le terrain pourra par ailleurs plus rapidement être réutilisé à d’autres fins. Par contre, la plus grande exposition au rayonnement rend les travaux de démontage plus complexes qu’après un confinement sécurisé. Le démantèlement après confinement est donc l’option qui demande le moins d’efforts et, par conséquent, de moyens financiers. Les circonstances qui jouent le plus en la défaveur de cette deuxième option sont la nécessité de retrouver du personnel qualifié après la période de confinement, ainsi que de plus grandes incertitudes en matière de situation juridique et financière, ou encore politique. Les centrales nucléaires suisses prévoient un démantèlement immédiat, mais pourraient éventuellement, selon les circonstances, revenir à un démantèlement après confinement sécurisé. Pour finir, M. Lundmark a détaillé les différentes étapes de la désaffectation et montré une répartition possible en groupes de tâches.

L’exposé de Hannes Hänggi, chef du projet désaffectation de l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN), a clairement montré que la Suisse a bien de l’expérience dans la désaffectation et le démantèlement d’installations nucléaires. Avec un réacteur de recherche à l’université de Genève et la centrale nucléaire expérimentale accidentée de Lucens deux installations suisses sont déjà sorties du champ d’application de la législation sur l’énergie nucléaire. Les décisions de désaffectation des réacteurs de recherche Saphir et Diorit, à l’Institut Paul-Scherrer (PSI) sont déjà disponibles. Le PSI travaille par ailleurs à la désaffectation du réacteur Proteus et de l’installation expérimentale pour l’incinération des déchets radioactifs. M. Hänggi a donné un aperçu de l’avancée de ces six projets et des conclusions de l’IFSN les concernant, en s’attardant plus particulièrement sur le cas spécial de Lucens. Toutes ces expériences ne s’appliquent cependant que dans une certaine mesure à la désaffectation de réacteurs. L’IFSN dépend par conséquent de l’échange avec des autorités étrangères. Elle collabore ainsi avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et l’Agence pour l’énergie nucléaire (AEN) de l’OCDE dans une cinquantaine de comités et groupes de travail. Sur cette base, M. Hänggi a conclu son exposé par les expériences et tendances au niveau mondial dans le domaine du démantèlement, et les facteurs de réussite d’un projet de désaffectation.

La planification commence très tôt déjà

L’exposé de Johannis Nöggerath, de la centrale nucléaire de Leibstadt, a porté sur la gestion de la durée d’exploitation avec l’exemple de Leibstadt. Il a commencé par une excursion dans le temps. Les participants ont ainsi appris que des programmes complets de gestion du vieillissement avaient été déjà été élaborés au cours des années 1980, et que le Forum nucléaire, encore sous son ancien nom, avait organisé en 1991 un cours sur le thème «Quel âge les centrales nucléaires peuvent-elles atteindre?» et un autre en 1994 à propos de la «Gestion du vieillissement des centrales nucléaires». A cette époque, la discussion sur la durée de vie et la gestion de la durée d’exploitation s’intensifiait en Suisse aussi en raison du moratoire de 10 ans sur la construction de nouvelles centrales nucléaires et la première prolongation de la durée d’exploitation aux Etats-Unis. La Suisse avait alors été, en 1992, un des premiers pays à introduire la surveillance du vieillissement de ses centrales nucléaires. M. Nöggerath a expliqué la division de la gestion de la durée d’exploitation de la centrale nucléaire de Leibstadt en trois phases. Au début, la préoccupation centrale était l’élimination des «maladies infantiles» et la maintenance. Différents exemples, tels que la modernisation complète de la salle de commande quelques années seulement après le début de l’exploitation, démontrent que les exploitants avaient pris conscience à temps de l’importance de la gestion de la durée d’exploitation. Au cours de la phase intermédiaire, d’une part, de plus importantes mesures de remplacement et de modernisation deviennent nécessaires, et d’autre part, l’expérience d’exploitation permet à ce stade aussi de plus grandes augmentations de puissance. Une gestion prévoyante de la durée d’exploitation permet d’éviter d’avoir à augmenter les activités de maintenance de manière importante à l’approche de la fin de la période d’exploitation. Indépendamment de l’âge de l’installation, la gestion de la durée d’exploitation est soumise à des facteurs externes tels que des accidents dans d’autres installations. M. Nöggerath a expliqué que les événements à Three Mile Island, Tchernobyl et Fukushima ont mené à différents rééquipements dans les centrales nucléaires suisses. Ces accidents ont en effet chaque fois fait avancer l’étendue des connaissances scientifiques.

Ensuite, Roland Schmidiger, d’Axpo, a exposé comment les exploitants de la centrale nucléaire de Beznau s’attaquent aujourd’hui déjà à des problématiques concrètes de la mise hors service et de la désaffectation. M. Schmidiger a expliqué les différentes phases et les variantes dans la manière de procéder. Les obligations morales et légales jouent tout autant un rôle que les facteurs stratégiques et financiers. Le modèle par phases d’Axpo prévoit une durée de 16 à 19 ans pour la désaffectation et le démantèlement, de la planification à la réhabilitation du site. La date, et ainsi aussi la durée de préparation de la désaffectation, dépend de la raison de la mise hors service de l’installation. Celle-ci peut être le fruit de considérations de l’exploitant liées à la sûreté, résulter de problèmes techniques, ou encore découler de décisions d’ordre politique. Les possibilités de planification et l’impact sur les coûts varient selon les scénarios.

Au cours du dernier exposé avant la pause de midi, le public a appris comment se sont déroulés, et comment se déroulent aujourd’hui, les démantèlements dans le secteur du nucléaire civil en Grande-Bretagne. Andrew Munro, de l’entreprise britannique Amec, a donné un aperçu de la grande expérience de la Grande-Bretagne en matière de désaffectation d’installations nucléaires. L’industrie internationale du nucléaire doit à tout prix prouver la manière responsable, sûre et économique de laquelle elle traite les centrales nucléaires désaffectées et les déchets nucléaires. La Grande-Bretagne partagera ses expériences avec la communauté du nucléaire pour le démantèlement des installations européennes et mondiales. Selon M. Munro, le travail de relations publiques joue un rôle important dans ce cadre. Dans le cas de la Grande-Bretagne, un démantèlement et une gestion des déchets responsables doivent permettre de conserver la confiance de la population pour de futurs projets de (nouvelles) constructions.

Spécificités et défis de la dernière phase d’exploitation

L’après-midi du premier jour de cours a commencé par des expériences pratiques dans le passage de l’exploitation en puissance à la post-exploitation. Gerd Reinstrom, directeur technique de la centrale nucléaire allemande d’Unterweser, a parlé de sa centrale, une des installations qui a été mise hors service de manière anticipée en réaction à l’accident de Fukushima. L’ordre de désaffectation anticipé a exigé de l’exploitant une grande flexibilité et des réactions rapides dans les champs d’action de la technique, de l’organisation et des ressources. En ce qui concerne les aspects techniques, il s’agit avant tout de minimiser les coûts d’exploitation et d’assurer une préparation optimale au démantèlement. Pour assurer la transition vers les opérations de démantèlement, une organisation de projet a été mise en place sur trois axes principaux: la maintenance, la transition vers la post-exploitation ainsi que la planification et la préparation au démantèlement. Pour ce qui est des ressources, selon M. Schmidiger, s’assurer la disponibilité du capital humain nécessaire à la transition vers la post-exploitation est une des tâches les plus importantes et exigeantes du point de vue du management. Dans ce contexte, il a en particulier fallu garantir que les collaborateurs adoptent et endossent les défis qu’une telle transition représente. M. Reinstrom a donné comme recommandation directe et concrète aux participants de débuter la planification préliminaire dans les champs d’action mentionnés au plus tard trois ans avant la mise à l’arrêt.

La Suisse a les yeux tournés vers l’Allemagne, avec un intérêt particulier. Non seulement en raison du rythme du tournant énergétique allemand, mais aussi parce qu’indépendamment de cela, des centrales nucléaires commerciales y ont déjà été démontés ou le seront bientôt. L’exposé suivant, donné par Anke Traichel, de Nukem Technologies GmbH, a lui aussi porté sur les défis pratiques rencontrés par l’industrie allemande du nucléaire dans le démantèlement. Trois petites centrales nucléaires ont déjà été entièrement démontées en Allemagne. Depuis l’entrée en vigueur de la loi Novelle sur le nucléaire de 2011, une vingtaine d’installations nucléaires sont hors service ou à différents stades de leur désaffectation. Etant donné que les projets du Gouvernement fédéral prévoient la mise hors service de l’ensemble des centrales nucléaires allemandes d’ici à 2022, l’industrie nucléaire du pays va devoir faire face à de nouveaux grands défis. Dans ce contexte, Mme Traichel a fait une constatation importante: si certaines étapes spécifiques du démantèlement peuvent être standardisées, le processus de démantèlement demeure un projet individuel propre à chaque installation. Le déroulement du projet, le financement, le concept de démantèlement et autres facteurs ne dépendent pas uniquement du type d’installation, mais aussi de la stratégie de l’exploitant. Chaque champ d’activité comporte des options et des éléments qui composent ensemble le projet de démantèlement. Du point de vue de Mme Traichel, les besoins en recherche fondamentale sont «relativement faibles» dans les domaines de la désaffectation et du démantèlement. L’échange d’expérience demeure par contre incontournable pour pouvoir optimiser et continuer à développer les différents processus.

Phases, formes d’organisation et motivation

Michael Kruse, de la société de conseil Arthur D. Little, et Anton von Gunten, membre de la direction de la centrale de Mühleberg, ont présenté l’exposé suivant. Celui-ci a de nouveau révélé l’importance d’une planification précoce du démantèlement. Les réflexions et planifications relatives à cette dernière phase de la vie d’une installation nucléaire sont déjà nécessaires des années avant la désaffectation proprement dite. M. Kruse a distingué trois stades de développement de la désaffectation: le «développement de la stratégie de désaffectation», la «planification de la désaffectation» et la «désaffectation» proprement dite, qui englobe la post-exploitation et le démantèlement. Il a présenté les exigences spécifiques au développement de l’organisation des différents stades de développement et les incertitudes les accompagnant, avant de montrer les formes d’organisations possibles qui en découlent. M. von Gunten a ensuite expliqué, en prenant l’exemple de Mühleberg, une forme d’organisation possible pour la désaffectation dans l’environnement suisse ainsi que son élaboration. La conclusion est claire: pour que la planification d’une désaffectation réussisse, le projet doit être lancé le plus tôt possible, et aussi haut que possible dans la hiérarchie. Par ailleurs, toutes les personnes impliquées dans le projet doivent connaître et assumer leurs responsabilités.

La journée s’est conclue sur l’aspect psychologique des défis posés par la fin d’exploitation d’une centrale nucléaire, en particulier pour ce qui est de la motivation des collaborateurs et de la gestion des connaissances relatives à la sûreté jusqu’à la fin du démantèlement. Frank Ritz, professeur à la Haute Ecole de psychologie appliquée de l’Ecole Supérieure Spécialisée de Suisse du nord-ouest, a montré que, pendant la transition de la phase d’exploitation à celle de post-exploitation et au démantèlement, les collaborateurs sont soumis à d’énormes efforts en termes de stratégie, d’organisation et de motivation. La gestion classique du changement ne suffit pas, étant donné qu’un démantèlement implique l’élimination de son propre lieu de travail, et par-là même quasiment de sa propre existence. Insister sur le rôle de pionnier dans une vision et une stratégie peut permettre de créer un point de référence important dans le système de valeurs des collaborateurs. Dans ce contexte, la compétence en démantèlement peut aussi être commercialisée auprès d’autres entreprises, voire à l’étranger. En conclusion, du point de vue de la psychologie, la planification précoce d’un démantèlement est incontournable.

La salle de cours pleine à Olten.
La salle de cours pleine à Olten.
Source: Forum nucléaire suisse

Les directives légales ne sont pas encore tout à fait claires

La deuxième journée de cours a commencé par la question complexe du cadre juridique des projets de désaffectation. Peter Koch, directeur de la section du Droit du nucléaire et du transport par conduites au sein de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN), a pris position le premier. Il a commencé par expliquer que, du point de vue juridique, toutes les questions relatives à la désaffectation de centrales nucléaires n’ont pas encore été clarifiées. La loi sur l’énergie nucléaire (LENu) ne stipule ainsi pas si le démantèlement doit être immédiat ou être effectué uniquement après un confinement sécurisé. Les exploitants doivent toutefois actualiser en permanence leurs plans de désaffectation. M. Koch a souligné que les exploitants sont responsables de toutes les étapes de la désaffectation. La phase de post-exploitation n’est toutefois pas ancrée dans la législation sous ce terme. L’OFEN l’entend comme étant la partie de la désaffectation qui dure de la mise hors service à l’entrée en vigueur de la décision de désaffectation. Quatre à cinq années peuvent s’écouler jusqu’à l’obtention de la décision de désaffectation, ce en raison de la double possibilité de recours, tout d’abord auprès du Tribunal administratif fédéral, et ensuite auprès du Tribunal fédéral. Selon les conclusions de M. Koch, les exploitants ont tout intérêt à déposer le projet de désaffectation des années avant la mise hors service. Dans l’idéal, la décision de désaffectation sera alors prête au moment de la mise hors service.

L’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) a elle aussi laissé entendre que tous les différends réglementaires n’ont pas encore été résolus en ce qui concerne la désaffectation des centrales nucléaires suisses. Thorsten Krietsch, directeur de la section désaffectation de l’IFSN, a présenté dans les grandes lignes le projet de directive ENSI-G17, qui fixera les exigences pour la décision de désaffectation. Celle-ci est en consultation externe depuis mai 2013. L’IFSN place les questions de sûreté technique, humaines et organisationnelles au cœur de ses préoccupations. Les plans de désaffectation doivent comprendre des variantes, mais le degré de détails de ces plans reste encore ouvert. La subdivision en phases doit correspondre au potentiel de menace radiologique correspondant. La tendance va vers deux phases seulement: avec combustible nucléaire sur place, et sans combustible nucléaire. Les obligations de l’autorisation d’exploitation demeurent dans un premier temps entièrement inchangées après la mise hors service, ne serait-ce que pour des raisons de sûreté. La directive G-17 détermine comment différentes parties de l’installation ou des systèmes peuvent être déclassés par étapes. Les risques juridiques apparaissent lorsque des changements importants sont exigés par rapport aux procédures autorisées. Selon M. Krietsch, une certaine flexibilité serait imaginable lorsqu’on prépare une étape avec deux étapes d’avance, ou une autre plus lointaine encore.

L’exposé suivant a permis de confronter les idées des autorités aux «exigences d’une désaffectation sûre et économique du point de vue d’un exploitant». Anton von Gunten, de la centrale nucléaire de Mühleberg, a souligné que les exploitants ont pleinement conscience de leur responsabilité vis à vis de la société, avant comme après la mise hors service de leurs centrales. A ce moment là aussi, la sûreté passe pour eux avant tout. BKW SA participe aussi à la consultation sur la directive G-17 de l’IFSN. Certaines clarifications doivent encore être apportées dans ce domaine. Pour ce qui est de la sûreté, il n’y a pas de différence fondamentale avec l’idée que les autorités s’en font. Certains points n’ont toutefois pas encore été entièrement clarifiés, comme notamment à quel point de la désaffection l’autorisation d’exploitation expire. Dans la conception qu’en a BKW, elle demeure valable jusqu’à l’entrée en vigueur de la décision de désaffectation, même si ses dispositions perdent peu à peu leur fondement. Selon M. von Gunten, il est aussi important de savoir ce qui est considéré comme une modification importante après la mise hors service. Pour BKW, par exemple, le démontage d’éléments de la cuve de pression du réacteur, qui sont de toutes les façons remplaçables, ne représente pas une modification importante. La directive G-17 devrait mentionner comment et quels travaux peuvent être anticipés, c’est à dire indiquer les travaux qui peuvent être réalisés avant l’entrée en vigueur de la décision de désaffectation. Selon M. von Gunten, les perspectives pour le personnel de Mühleberg constituent actuellement la priorité absolue.

Urs Weidmann a dirigé le cours.
Urs Weidmann a dirigé le cours.
Source: Forum nucléaire suisse

Les aspects concrets du démantèlement

L’exposé de Ben Volmert, de la Société nationale coopérative pour le stockage des déchets radioactifs (Nagra), a lancé la dernière partie du cours, qui a porté sur les aspects concrets du démantèlement. M. Volmert a proposé un «tour d’horizon de la méthodologie utilisée par la Nagra pour déterminer la répartition de l'activation dans une centrale nucléaire en vue de la planification de la désaffectation et du calcul des coûts relatifs à la gestion des déchets». Les dernières estimations de l’inventaire d'activation remontent à l’étude de coûts de 2011. L’objectif de ces travaux, selon M. Volmert, est la réalisation de cartes de la radioactivité spécifiques aux différents matériaux pour chacune des installations nucléaires. Elles se différencient de manière significative non seulement en fonction du type de réacteur, mais varient aussi en particulier selon les cycles d’exploitation. Les modélisations seront affinées en vue de l’étude de coûts 2016. Les durées de calcul sont toutefois énormes, et on atteint les limites des modèles existants, développés avec la méthode dite de Monte-Carlo. Des expériences ont cependant montré que cette méthode est la bonne, et qu’elle peut en outre être calculée de manière plus efficace. Les cartes d'activation servent de base pour le choix du type d’emballage et ainsi pour le calcul des coûts. Des campagnes avec des films dosimétriques sont menées à Gösgen et Mühleberg à des endroits critiques, par exemple dans les interstices entre la cuve de pression du réacteur et l’écran biologique, pour valider les calculs. Des imprécisions significatives demeurent, mais selon M. Volmert, la méthode suffit pour réaliser des estimations de coûts prudentes.

L’invité suivant, l’Allemand Hans Genthner de la direction de Kraftanlagen Heidelberg GmbH, a lui aussi mis en évidence les défis que la désaffectation de toutes les centrales nucléaires allemandes d’ici à 2022 représente pour le secteur allemand du nucléaire. Trois centrales sont déjà entièrement démantelées en Allemagne, et 16 autres installations nucléaires en sont à différents stades de leur démantèlement. Pour certaines, des éléments comme les internes du cœur ou la cuve du réacteur ont déjà été démontés. Tout comme en Suisse, il n’existe pas non plus en Allemagne de prescription indiquant si le démantèlement doit intervenir directement ou après un confinement sécurisé. Aucun des exploitants des installations arrêtées et en cours d’exploitation ne s’est toutefois encore décidé pour un démantèlement après confinement. Après ce résumé de la situation en Allemagne, M. Genthner, dont l’entreprise propose aussi des services dans le domaine du démantèlement, a abordé différentes considérations stratégiques et techniques du point de vue des exploitants et des prestataires de services. Il a ensuite décrit trois exemples de démantèlement. A Piqua, dans l’Ohio, un petit réacteur des années 1960 se trouve en confinement depuis 50 ans. La documentation technique a été coulée pour 120 ans, dans une capsule temporelle, au sein même de l’installation. Des systèmes télécommandés ont été utilisés lors du démontage de la cuve de pression du réacteur et de l’écran biologique du réacteur de recherche polyvalent de Karlsruhe. Lors du démantèlement du réacteur nucléaire compact refroidi au sodium (KNK II), lui aussi à Karlsruhe, des mesures particulières ont dû être prises en raison du sodium. Selon M. Genthner, ces deux derniers exemples sont intéressants du point de vue technique, car le rayonnement y était nettement plus élevé que dans une centrale nucléaire commerciale.

Karl Wasinger, d’Areva GmbH, a commencé son exposé par une citation de Karl Valentin: «Tout a déjà été dit, mais pas par tous.» Malgré cette introduction, sa contribution aura apporté de précieux éléments issus de l’expérience d’Areva dans le démantèlement d’installations nucléaires. M. Wasinger a plaidé en faveur d’un démantèlement immédiat, en particulier dans un pays sortant du nucléaire comme l’Allemagne. Les expériences d’Areva dans différents projets de démantèlement ont amené à la définition de six domaines particulièrement critiques qui peuvent entraîner d’importantes hausses des coûts. Ces enseignements doivent absolument être pris en compte dans la planification. Selon M. Wasinger, un démantèlement direct de l’intérieur vers l’extérieur est certes plus exigeant que l’inverse. Cependant, la plupart des installations nécessaires sont alors encore disponibles sur l’installation même et la durée du démantèlement s’en trouve raccourcie. Areva a formalisé son expérience pratique, issue de 40 ans de démantèlement d’installations nucléaires de tous types, dans des processus d’optimisation visant à éliminer les sources de pertes de fonds. Dans l’usine de retraitement de La Hague, les coûts d’un démantèlement ont ainsi été réduits de 16%. L’entreprise a aussi pu considérablement augmenter la productivité dans le démantèlement d’une centrale mox à Cadarache. Selon M. Wasinger, le choix de la bonne stratégie – faire ce qu’il faut au bon moment et au bon endroit – est plus important que la technique utilisée.

Recherche au Zwilag et à Karlsruhe

Uwe Kasemeyer, du centre de stockage intermédiaire de Würenlingen (Zwilag), a présenté des techniques de décontamination qui y sont utilisées. A ce jour, Zwilag a décontaminé environ 300 tonnes des près de 500 tonnes de matériaux qui y ont été acheminés, et les a autorisées après mesures à la réintroduction dans le cycle normal des matières. Zwilag contribue ainsi au respect des prescriptions légales selon la LENu. Celle-ci exige notamment que «les substances radioactives doivent être manipulées de manière à produire le moins possible de déchets radioactifs». Zwilag recourt aussi bien à des procédures de décontaminations sèches qu’humides. L’avantage de procédures sèches telles que le brossage, l’abrasion ou le fraisage réside dans le fait qu’elles ne produisent que de relativement petites quantités de déchets radioactifs secondaires. Ces déchets peuvent de plus être conditionnés dans le four à plasma. Ces méthodes ne peuvent cependant être utilisées que sur des surfaces planes et lisses. Zwilag recourt donc aussi à des techniques humides telles que des jets d’eau haute pression, les ultrasons ou la décontamination électrochimique. La forme de l’élément à décontaminer ne joue alors presque aucun rôle, mais la contamination est dans ce cas transmise aux eaux usées. Cette eau doit être retraitée pour finalement parvenir à des éléments solides conditionnables. Ces processus sont relativement coûteux. Par conséquent, d’autres pays, comme par exemple la Finlande, ne conditionnent simplement pas des matières si peu radioactives, dont l’activité passera de toutes les façons en 300 ans sous la valeur de celle du granit environnant. Au lieu de cela, les matières sont directement stockées. En conclusion, M. Kasemeyer a observé que les pièces doivent pouvoir faire l’objet d’un mesurage de leur libération et que les déchets secondaires doivent d’être conditionnables. Zwilag sait comment cela peut être accompli et travaille à une mise en œuvre concrète.

Le dernier exposé du cours d’approfondissement 2013 aura été une excursion dans la recherche dans le domaine du démantèlement d’installations nucléaires. Sascha Gentes, directeur du département technologie et gestion du démantèlement d’installations nucléaire (TMRK) à l’Institut de Karlsruhe pour la technologie (KIT) a présenté différents projets et expériences. Tous les projets du TMRK sont exécutés en collaboration avec des partenaires industriels pour garantir leur faisabilité dans la pratique. Les étudiants y participant trouvent en règle générale directement un poste dans l’industrie. Le TMRK a développé de nouvelles procédures de séparation pour les structures irradiées en acier et béton, ou encore, en collaboration avec une entreprise de construction de tunnels, pour le concassage de structures de béton massives renforcées par de l’acier. D’autres thèmes sont aussi traités, tels que les outils de meulage, qui peuvent aussi être utilisés pour le désamiantage, les appareils de mesurage de libération, les technologies de décontamination pour les conduites utilisées dans l’industrie pétrolière et aussi la transposition de méthodes de gestion de la construction à des projets de démantèlement. En conclusion, M. Gentes retient que le démantèlement d’installations nucléaires est aujourd’hui réalisable de manière sûre du point de vue technique. Des améliorations doivent toutefois encore être apportées et des recherches menées. Les projets de son département au KIT permettent, selon M. Gentes, une meilleure performance dans le démantèlement, une diminution des déchets secondaires et un soulagement au travail pour le personnel impliqué.

Urs Weidmann a conclu l’évènement par un bref résumé des deux journées de cours. Il a salué le public en lui annonçant le prochain cours d’approfondissement. Celui-ci se tiendra en novembre 2014 à Olten et portera sur «Les marges de sûreté dans les centrales nucléaires».

Source

M.Re./T.M.

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