France: publication des coûts de la filière électronucléaire
La Cour française des comptes a rassemblé toutes les données sur les éléments qui, depuis les années 1950, constituent les coûts de la production d'électricité nucléaire en France et a évalué les conséquences, chiffrées en coûts, des décisions stratégiques qui s'annoncent.
C'est en mai 2011 que le Premier ministre François Fillon avait demandé un tel rapport à la Cour des comptes. Celle-ci constate maintenant que d'ici la fin de l'année 2022, 22 réacteurs sur 58 atteindront leur quarantième année de fonctionnement. Par conséquent, dans l'hypothèse d'une durée de vie de 40 ans et d'un maintien de la production électronucléaire à son niveau actuel, il faudrait d'ici la fin de 2022 un effort très considérable d'investissement, effort équivalant à la construction de 11 EPR. Or la Cour conclut que la mise en œuvre d'un tel programme d'investissement à court terme paraît très peu probable, voire impossible, y compris pour des considérations industrielles. Cela signifie qu'à travers l'absence de décision d'investissement, deux possibilités s'offrent à la France: soit celle de faire durer ses centrales au-delà de 40 ans, soit celle d'investir massivement dans d'autres sources d'énergie.
Selon la Cour, quels que soient les choix retenus, des investissements importants sont à prévoir à court et moyen terme, représentant au minimum un doublement du rythme actuel des investissements de maintenance annuels. Ce doublement fera augmenter le coût moyen de la production de 10% environ.
La prolongation de la durée de vie, une donnée stratégique
L'analyse de la Cour montre que la durée de fonctionnement des centrales du parc actuel constitue une donnée majeure de la politique énergétique. Elle a un impact significatif sur le coût de la filière en permettant d'amortir les investissements sur un plus grand nombre d'années. Elle repousse par ailleurs dans le temps les dépenses de démantèlement et le besoin d'investissement dans de nouvelles installations de production.
La Cour juge souhaitable que le gouvernement français formule, traite et adopte une stratégie énergétique en toute transparence et de manière «explicite». Les investissements futurs ne devraient pas être réalisés de manière «implicite».
En bref, la répartition des coûts
Selon le rapport de 400 pages publié par la Cour des comptes le 31 janvier 2012, la France a, jusqu'à présent, investi dans son parc nucléaire 188 milliards d'euros (CHF 227 mia.), calculés en euros de 2010. Ces investissements se composent comme suit:
- 96 milliards d'euros (CHF 116 mia.) pour la construction des 58 tranches nucléaires de deuxième génération actuellement en service (puissance totale installée de 62'510 MW),
- 6 milliards d'euros (CHF 7 mia.) pour le développement des 8 réacteurs de première génération dont le démantèlement est en cours,
- 19 milliards d'euros (CHF 23 mia.) investis par l'ancien groupe Cogema (devenu Areva) dans le cycle du combustible,
- 55 milliards d'euros (CHF 67 mia.) de dépenses de recherche publiques et privées,
- 2 milliards d'euros (CHF 15 mia.) pour le projet Superphénix (sans démantèlement).
Toujours selon la Cour, les charges d'exploitation annuelles sont bien identifiées et leur chiffrage ne pose pas de problème majeur. Elles se sont élevées en 2010 à 8,9 milliards d'euros 2010 (CHF 10,8 mia.) pour une production de 407,9 milliards de kWh, auxquelles s'ajoutent des dépenses publiques de 870 millions d'euros (CHF 1,053 mia.) pour la recherche, le développement et la surveillance. En 2010, le programme d'investissements de maintenance s'est chiffré à 1,7 milliard d'euros (CHF 2,1 mia.) et est évalué à 4 milliards d'euros (CHF 4,8 mia.) annuellement pour la période de 2011 à 2025, y compris les exigences supplémentaires requises après Fukushima. Le coût moyen du kWh de 4,95 ct. d'euro valeur 2010 pourrait ainsi augmenter de 10% à 5,98 ct.
Le coût du démantèlement du parc de 58 réacteurs est estimé par la Cour des comptes à 18,4 milliards d'euros (CHF 22,3 mia.) et celui de la gestion à long terme des déchets, à 28,4 milliards d'euros (CHF 34,4 mia.). Cette estimation est fragile car le projet envisagé pour le stockage des déchets à vie longue n'est pas encore définitif.
Source
M.A./P.V. d'après un communiqué de presse de la Cour des comptes du 31 janvier 2012