Innovation et «business case», les points forts des start-ups

Même si l’intervention du créateur d’innovations nucléaires Jacob DeWitte, 29 ans, CEO de UPower Technologies, fut brève à l’occasion du Swiss Energy & Climate Summit (SwissECS) qui s’est tenu début septembre à Berne (cf. article concernant UPower dans la rubrique «Informations de fond»), il faut tout de même souligner la présence de l’énergie nucléaire comme thème secondaire d’un congrès sur l’énergie et le climat au vu du contexte actuel de la Suisse. Les préjugés idéologiques vont en effet bon train dans l’espace germanophone.

Les choses sont tout autres au sein de la nouvelle génération: les jeunes ingénieurs n’hésitent pas à se confronter aux défis mondiaux liés à l’énergie et au climat, loin des clichés. Mais quelle est la «value proposition» de ces start-up? Pour pouvoir conquérir un marché, une jeune entreprise de haute technologie doit remplir plusieurs conditions. Et deux en particuliers: elle doit être innovante et doit constituer un facteur de résolution de problème déterminant.

Premier facteur de réussite: l’innovation

Commençons par la composante Innovation. La jeune Leslie Dewan, 29 ans, est la cofondatrice de Transatomic Power Corporation (TAP). La start-up américaine est spécialisée dans le recyclage des déchets nucléaires grâce au WAMSR, un réacteur à sels fondus capable de détruire les déchets. Le brevet de l’invention a été déposé au Canada et à l’Office européen des brevets le 30 mai 2013. TAP a également déposé une demande auprès de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), à Genève, le 13 mars 2014. Celle-ci permettrait d’étendre automatiquement la validité du brevet à tous les pays.

De manière générale, seules les inventions techniques destinées à une utilisation commerciale ou industrielle peuvent être brevetées. Les inventions doivent être nouvelles et ne pas découler de manière évidente de l’état de la technique. Ainsi, les idées seules ne sont pas brevetables. Toutes les inventions de nature technique présentant un niveau d’innovation suffisant peuvent faire l’objet d’un brevet. Plusieurs auteurs s’accordent à dire que pour être qualifiée de «nouvelle», l’invention doit aller au-delà de l’«état de la technique». L'«état de la technique» est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public en tout lieu du monde par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen, avant la date de dépôt de la demande de brevet. Le niveau de l’invention désigne la nécessité d’une activité inventive, en d’autres termes: l’invention ne doit pas découler de manière très évidente de l’état de la technique pour un homme du métier. C’est pourquoi les inventions présentant une nouveauté relative ne peuvent faire l’objet d’un brevet.

Leslie Dewan impose déjà un grand respect aux Etats-Unis. En 2012, le magazine Forbes l’avait choisie pour sa rubrique «30 Under 30» dans le secteur énergétique. En septembre 2013, la MIT Technology Review avait fait figurer la jeune femme parmi «35 Innovators Under 35». En décembre 2013 enfin, elle avait fait partie du classement du Time Magazine consacré à «30 People Under 30 Changing the World». Elue CEO de TAP à Cambridge, Massachusetts, en 2011, Leslie Dewan a obtenu sa thèse en 2013 à l’Institut de technologie du Massachusetts (MIT) dans le domaine nucléaire.

Erfolgsfaktor Business Case

Pour réussir à conquérir le marché en tant que «game changer», c’est-à-dire en changeant les règles du jeu, le caractère innovant ne suffit pas, il faut également posséder un «business case» clair. Dans le cas de TAP, les 270'000 tonnes de déchets de faible et de moyenne activités présentes dans le monde constituent à elles seules une tâche titanesque. «Nous voulons construire le tout premier WAMSR aux Etats-Unis. Après tout, la technologie a été développée sur le sol américain.» En outre, le réacteur est tout-à-fait sûr. Et même dans le pire des scénarios, l’escalade ne serait pas comparable avec les évènements survenus à Fukushima-Daiichi ou encore à Tchernobyl, explique Leslie Dewan à la chaîne télévisée CNN.

A cela s’ajoutent les défis urgents liés à la pollution de l’air et au changement climatique. TAP résume la «value proposition» de son projet de la manière suivante: «Le réacteur avancé à sels fondus exploite proprement et dans leur intégralité les assemblages combustibles usés, et permet de gagner une quantité importante d’énergie à bas prix et pauvre en carbone. Grâce à cette solution, Transatomic Power répond à quatre problèmes parmi les plus urgents auxquels doit faire face l’industrie nucléaire: la responsabilité écologique, la sécurité publique, la non-prolifération et la rentabilité.» Un réacteur avancé capable de répondre simultanément aux quatre objectifs serait en mesure d’offrir une plus grande mixité du marché et une meilleure acceptation de l’énergie nucléaire au sein de la population. UPower s’attaque elle aussi à la production neutre en CO₂ et à la rentabilité. Les avantages de ses solutions sont résumés dans les «quick facts»

A noter que ces initiatives de start-up proviennent majoritairement des pays anglo-saxons, comme cela est également le cas du projet TerraPower de Bill Gates. Nous pensons que l’Asie suivra bientôt cette tendance. Quant aux autres régions du globe, l’Europe en tête de file, elles sont loin derrière une fois encore. Et ces initiatives ne participent pas seulement à la prospérité économique, de plus en plus boostée par l’innovation, mais sont également importantes pour les domaines de la santé et de l’approvisionnement de base.