Le président de la Commission européenne émet des réserves sur l'abandon du nucléaire par l'Allemagne
Par courrier daté du 11 avril 2000, Romano Prodi, président de la Commission européenne, a répondu aux questions qui lui avaient été posées début février par le ministre-président de la Bavière Edmund Stoiber.
M. Stoiber mettait surtout en doute la compatibilité de l'abandon du nucléaire projeté en Allemagne avec le traité instituant la CE et avec le traité Euratom. Dans sa réponse, M. Prodi souligne que les objectifs du traité Euratom sont toujours valables et qu'une violation éventuelle devrait être examinée de cas en cas. Il s'agit également de tenir compte de la sécurité de l'approvisionnement dans le domaine de l'énergie. Le texte de la lettre de M. Prodi est reproduit ci-dessous.
"Monsieur le Ministre-président,
Votre courrier du 9 février dans lequel vous posez la question de savoir si l'abandon de l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire envisagé par le gouvernement fédéral allemand est compatible avec les obligations issues du traité instituant la CE et du traité Euratom, et dans lequel vous soulignez également les conséquences néfastes éventuelles d'un tel abandon pour le climat, m'est bien parvenu et je vous en remercie.
Selon le point de vue qui prévaut de manière générale, le traité Euratom laisse à chaque pays membre le choix de la décision quant à l'introduction ou au maintien de l'utilisation de l'énergie nucléaire pour la production d'énergie. Ceci ne remet toutefois pas en question le fait que les objectifs du traité Euratom continuent de s'appliquer dans leur globalité, y compris leur caractère "d'encouragement" de l'énergie nucléaire.
En ce qui concerne les répercussions de l'initiative allemande sur le marché intérieur, je voudrais renvoyer au chapitre 9 du traité Euratom qui institue le "Marché commun nucléaire". Il faudrait examiner de cas en cas dans quelle mesure la liberté du commerce de marchandises serait entravée par une interdiction éventuelle du transport de matières nucléaires. Les mêmes considérations s'appliquent à la liberté de prestation de service.
En ce qui concerne les aspects environnementaux que vous évoquez, on soulignera que l'Union européenne s'est effectivement engagée, dans le cadre du processus de Kyoto, à une réduction importante de ses émissions de gaz à effet de serre. On peut admettre qu'une fermeture des centrales nucléaires allemandes impliquerait des efforts supplémentaires dans des domaines tels que les énergies renouvelables et le rendement énergétique si l'on veut atteindre l'objectif de Kyoto d'une réduction de 8%.
Dans le contexte de l'abandon éventuel de l'énergie nucléaire par l'Allemagne, on ne saurait en aucun cas négliger la question de la sécurité de l'approvisionnement dans le domaine de l'énergie. Une communication de la Commission sur ce sujet est en préparation, communication qui devrait être adoptée par la Commission cette année encore.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre-président, l'expression de ma haute considération".
Source
M.E./C.P.