Les isotopes de l’uranium expliquent le cycle de la croûte terrestre
Dans le cadre d’une nouvelle étude, le rapport des isotopes d’uranium a été utilisé pour analyser la roche volcanique et appliqué aux processus de réutilisation dans les profondeurs du sol. Les résultats laissent supposer qu’au cours des 600 millions d’années qui viennent de s’écouler, l’uranium a été transporté de la surface de la terre aux profondeurs du sol et s’est dispersé dans le manteau.

Les isotopes d’uranium ont permis à la géologie d’obtenir de nouvelles informations concernant la manière dont la Terre réutilise sa croûte. Cela a été rendu possible grâce à la longue demi-vie des isotopes d’uranium, qui permet de définir l’âge et l’origine des roches volcaniques. L’uranium est présent dans plusieurs isotopes, notamment sous la forme de l’uranium-238 et de l’uranium-235, plus léger. Ceux-ci peuvent s’oxyder différemment selon les conditions environnementales. En effet, dans un environnement dépourvu d’oxygène, comme c’était le cas dans la «jeune» Terre, il a une charge positive quatre fois plus importante(IV), et même six fois plus importante(VI) après apparition de l’oxygène et oxydation de l’uranium(IV). La géologie s’appuie sur ces formes d’oxydation et isotopes d’uranium pour expliquer les modifications de la surface terrestre et la réutilisation des croûtes au cours des derniers milliards d’années.
Les isotopes d’uranium laissent leurs «empreintes digitales» dans la roche volcanique
Les différents isotopes d’uranium et formes d’oxydation de celui-ci ont laissé leur signature dans la roche volcanique. Cette signature est caractéristique de l’ère géologique concernée et de la matière de la croûte terrestre qui a plongé dans le manteau par subduction avant d’y être réutilisée. Les chercheurs comparent désormais la matière volcanique relativement jeune issue du manteau supérieur au basalte des îles océaniques telles qu’Hawaii, formées par des colonnes de magma qui ont rapporté avec elles jusqu’à la surface une matière pouvant dater de deux milliards d’années, provenant de la zone de jonction entre le noyau et le manteau terrestres. Dans leur comparaison, les chercheurs ont également déterminé les rapports de l’isotope d’uranium des météorites composées de la même matière de départ que la Terre, et ainsi mis en évidence la composition d’origine de l’uranium de la croûte terrestre.
La roche de basalte jeune présentait ainsi un rapport isotopique sensiblement plus important d’uranium-238 à uranium-235 que le basalte présent dans les îles ou que les météorites. Pour cette raison, les chercheurs supposent que l’uranium contenu dans la jeune roche a été au contact de l’oxygène aussi bien sur la terre ferme que dans l’eau. Il s’est donc transformé à un moment où à la fois l’atmosphère et l’eau ont été alimentées en gaz. Cela a été le cas il y a 600 millions d’années, lorsque la teneur en oxygène à la surface de la Terre a pour la seconde fois fortement augmenté. Ce n’est qu’ensuite que la croûte océanique qui avait absorbé l’uranium transformé a été attirée dans le manteau terrestre grâce au phénomène de subduction. Plus tard, cette roche a été de nouveau transportée à la surface, cette fois par le biais du phénomène de convection.
En revanche, dans le vieux basalte présent dans les îles, le rapport de l’uranium-238 à l’uranium-235 correspondait à celui des météorites de référence, étant donné que celles-ci n’ont pas été au contact de l’oxygène, ou très peu, avant d’accéder au manteau terrestre inférieur. Au vu de leur isotope d’uranium, elles ne pouvaient provenir de croûtes océaniques jeunes ayant connu un phénomène de subduction. Ainsi, une équipe de chercheurs a réussi à l’aide de données à démontrer que les sources de cette roche volcanique étaient antérieures à 600 millions d’années. Pour Morten Andersen, géochimiste au Département des sciences de la terre à l’ETH Zurich, une des principales découvertes de l’étude concerne la manière dont l’évolution des conditions à la surface de la Terre et l’augmentation de l’oxygène dans l’atmosphère ont influencé la composition des profondeurs de la Terre. L’étude est utile essentiellement pour la recherche fondamentale. Mais les signatures d’isotope d’uranium trouvées pourraient aussi être utilisées sur le plan économique afin d’identifier des gisements encore inconnus.
Source
S.Ry. nach ETH Zürich, 16. Januar, und Andersen M.B., Elliott T., Freymuth H., Sims K.W.W., Yiu Y., Kelley K.A., The terrestrial uranium isotope cycle, in Nature online publiziert, 15. Januar 2015. DOI: 10.1038/nature14062