Les signaux contradictoires se multiplient

L'analyse des dernières tendances le montre: la planification à long terme devient de plus en plus difficile pour certains fournisseurs d'électricité européens. L'Allemagne va maintenant jusqu'à s'opposer au captage et stockage du CO2 (CSC), une technologie pourtant respectueuse du climat.

24 oct. 2011

Voici une nouvelle époustouflante qui nous vient une fois de plus d'Allemagne. Le Bundesrat, c'est-à-dire la chambre des Länder au parlement allemand, vient de bloquer une loi sur le stockage souterrain du dioxyde de carbone (CO2). L'Allemagne encourt ainsi non seulement la perte de subventions de l'UE mais aussi une procédure pour non-respect des traités européens.

La technologie dite de captage et stockage du carbone (CSC) est la condition d'une exploitation des centrales au charbon respectueuse du climat. Jusqu'à présent, le CSC était considéré dans le monde entier comme une technologie avancée de protection climatique. Des voix – dont celle de Greenpeace – s'élèvent toutefois contre le CSC, de crainte que la masse de carbone injectée dans le sous-sol ne pollue les eaux souterraines. D'autres organisations environnementales n'approuvent le CSC qu'à petite échelle, par exemple pour la production d'acier et de ciment. Les avis concernant la dimension géographique du CSC sont eux aussi déconcertants. Ainsi, lors de l'émission télévisée «Nano», un représentant du WWF s'est clairement exprimé contre l'utilisation du CSC en Allemagne sans toutefois l'exclure ni en Chine ni dans d'autres pays émergents. Motif: une production d'électricité climatiquement neutre est selon lui possible en Allemagne avec les seules énergies renouvelables, sans centrales au charbon.

Dans le domaine du nucléaire, les signaux contradictoires et une certaine confusion persistent. Tant la presse imprimée que les médias en ligne ont fait état, sans la moindre ambigüité, du virage énergétique pris par la plus grande entreprise industrielle allemande. Concrètement, le patron de Siemens, Peter Löscher, a annoncé dans une interview accordée au «Spiegel» que le groupe renonçait définitivement à son activité dans le nucléaire et que le projet de coentreprise avec le consortium russe Rosatom était abandonné. On aurait cependant tort de croire que Siemens restera désormais en dehors des projets de centrales nucléaires. Le groupe allemand ne participera certes pas à la construction de centrales complètes, mais il fournira des composants tels que les turbines à vapeur.

Avant Fukushima, Peter Löscher avait été très clair: «Nous voyons l'énergie nucléaire comme un marché de croissance international auquel nous voulons prendre part». Le PDG de Siemens soulignait que le groupe avait inscrit la protection de l'environnement dans sa stratégie et qu'électricité nucléaire et technologie verte ne s'excluaient pas. «Pour améliorer la protection du climat, nous avons besoin d'un large mix énergétique» ajoutait-il, précisant que Siemens était la seule entreprise au monde à couvrir l'ensemble de la chaîne énergétique. Dans une interview donnée au quotidien «Die Welt» en 2009, il avait en outre indiqué que le changement climatique constituait à ses yeux le défi majeur et le plus exigeant que l'humanité eût à relever.

La confusion règne également au niveau du calcul des coûts. En Allemagne, l'abandon du nucléaire entraînera une hausse marquée du prix de l'électricité. Le courant renchérira d'au moins 32 milliards d'euros (CHF 39 mia.) d'ici 2030, a indiqué la «Handelsblatt», se référant aux résultats d'une étude commandée par le ministère allemand de l'Economie. Ce calcul ne prend toutefois pas en compte les coûts supplémentaires induits par exemple par le développement accéléré des énergies renouvelables, le renforcement des réseaux ou le durcissement des objectifs climatiques. Le groupe bancaire allemand KfW a pour sa part calculé que la réorientation énergétique de l'Allemagne pourrait coûter 250 milliards d'euros (CHF 307 mia.) au total.

En France, la sortie du nucléaire coûterait au moins 750 milliards d'euros (CHF 920 mia.). Tel est le chiffre articulé par Bernard Bigot, patron du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Dans ce pays, le secteur de l'énergie nucléaire emploie plus de 400'000 personnes. Toujours selon Bernard Bigot, il faut aussi tenir compte de l'objectif officiel qu'est l'indépendance énergétique. Ainsi, le nucléaire reste indispensable pour le gouvernement Sarkozy.

Le groupe de réflexion «Avenir Suisse» a récemment fait état d'une hausse des risques de pannes d'électricité. L'un de ses collaborateurs, Urs Meister, précise: «Cinq des centrales nucléaires arrêtées en Allemagne se trouvent dans le sud du pays. Cette région économiquement forte se voit ainsi placée dans une situation de dépendance accrue envers l'électricité produite dans le nord». Selon lui, la charge du réseau de transport s'en trouvera augmentée au point de provoquer un accroissement des risques pour la stabilité du système. «Cela concerne non seulement le sud de l'Allemagne mais aussi la Suisse, tant les interconnexions sont étroites.»

Source

Hans Peter Arnold/D.B.

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