L’Etat et le secteur de l’électricité sont au pied du mur

Rares sont ceux qui contestent que l’électricité soit l’énergie clé du futur. Malgré tout, une part significative de la population suisse considère que l’approvisionnement en énergie sera assuré dans le futur par la seule efficacité énergétique et les énergies renouvelables, comme le montrent des sondages. «De nombreuses personnes se déclarent très surprises d’apprendre que le photovoltaïque ne produit qu’un demi pour mille de l’électricité consommée et l’énergie éolienne encore moins», a déclaré Corina Eichenberger lors de l’ouverture de l’assemblée générale annuelle à l’Hôtel Bellevue Palace à Berne. «La disparité entre perception et réalité est énorme. Les faits se vengent, alors que les médias relaient servilement les propos dithyrambiques des constructeurs à chaque inauguration d’une installation solaire ou d’une éolienne. Mais leur faible production inadaptée aux besoins n’est en règle générale évoquée qu’en fin de rapport, à supposer que l’on en parle.»

Le Conseil fédéral doit prendre l’initiative de débats publics

Corina Eichenberger a rappelé avec force que les votes consultatifs et les votes contraignants concernant les questions relatives à l’électricité et à l’énergie vont s’accumuler dans les cantons et dans les villes dans les mois et les années à venir. «Le Conseil fédéral a déclaré l’énergie nucléaire comme le pilier central de sa politique électrique. Voici le moment venu de l’obliger à engager les débats publics sur le sujet.»

C’est avec satisfaction que Corina Eichenberger a noté que l’Office fédéral de l'énergie avait fermement rappelé à certains cantons qu’il n’y aura aucun report des délais fixés par la loi sur l’énergie concernant la consultation en cours sur les demandes d’autorisation générales relatives aux centrales nucléaires. De même, l’office a publiquement défendu les règles convenues de la procédure du plan sectoriel pour les dépôts en couches géologiques profondes face aux faux-fuyants du canton de Schaffhouse. «Le Forum nucléaire ne peut que se féliciter de cette défense résolue de la sécurité juridique dans notre pays.»

Comme l’Etat fixe les conditions générales décisives des investissements du secteur économique suisse de l’énergie, il joue également un rôle central dans la sécurité des approvisionnements en matière d’électricité, rappelle Corina Eichenberger. En application de la loi sur l’énergie, la Confédération et les cantons seraient donc contraints d’aménager ces conditions générales afin que le secteur économique de l’énergie puisse assurer de façon optimale et dans les délais le rôle qui lui est dévolu dans l’intérêt du pays.

Mises en garde contre les coupures de courant

Josef A. Dürr, président de l’AES, a également pris dans le collimateur ce déficit de perception de larges cercles de la population, qui s’imaginent qu’une meilleure efficacité énergétique et les nouvelles énergies renouvelables pourront compenser les déficits de production qui s’annoncent. «A voir les différents spots publicitaires, insertions et autres vecteurs publicitaires d’entreprises de la branche, j’ai quelquefois l’impression que le secteur de l’électricité partage le même avis», remarquait-il. Du point de vue objectif, il faut reconnaître que les adversaires du nucléaire «ont fait du bon boulot». Ils sont parvenus à accoler des adjectifs à teneur volontairement positive aux énergies renouvelables et des connotations négatives à l’énergie nucléaire. Mais ces appréciations sont loin de toujours correspondre à la réalité.

D’ici à 2035, il manquera sur le long terme, selon les pronostics, entre 10 et 20 TWh de production assurée, essentiellement au cours du semestre d’hiver, soulignait Dürr. L’Etat s’attend déjà aujourd’hui à des pénuries d’électricité lors d’un hiver rigoureux ou pendant de longues périodes de canicule. «Les coupures de courant de courte durée pour les délestages nécessaires du réseau pourraient se multiplier», rappelait-il. Un exercice stratégique de gestion de crise d’approvisionnement effectué par les autorités et le secteur de l’électricité à l’automne dernier a clairement dessillé les yeux de tous les participants sur les conséquences d’une pénurie durable d’électricité. La mobilité et les communications en seraient profondément affectées.

La recette suisse du succès: énergies renouvelables et énergie nucléaire

En période de pénuries d’électricité durables, la règle sera d’alimenter mutuellement en priorité les pays de l’UE, la Suisse n’étant servie qu’après, a déclaré Dürr. Il s’est donc associé à Corina Eichenberger pour s’engager résolument en faveur de la recette suisse du succès des dernières décennies: un mix fiable et rentable d’énergie hydroélectrique et d’énergie nucléaire, récemment complété par de l’électricité produite à partir de la biomasse, du vent et du soleil.

«Si nous voulons acquérir la population à l’énergie nucléaire ou mieux encore qu’elle se passionne pour elle, il est nécessaire de briser ces amalgames langagiers, car ce sont eux qui conditionnent massivement la formation des opinions dans de vastes cercles, même chez certaines personnes parmi les plus cultivées. Il ne s’agit en aucun cas de traîner les énergies renouvelables dans la boue, mais simplement d’en montrer clairement les inconvénients et les limites.»