Mégatendance changement climatique: les investisseurs désormais concernés

Selon Virginie Maisonneuve, responsable du département Global & International Equities de Schroders, gestionnaire de fortune international, les investisseurs devraient miser sur trois tendances majeures: le changement climatique, l’évolution démographique et les supercycles. Ces trois mégatendances se superposeront à long terme à la crise financière actuelle.

La raréfaction du crédit aux entreprises a constitué un grave problème en 2008. Le changement climatique devrait cependant donner un coup de pouce à de nouveaux projets de développement, et l’incitation pourrait venir de la part des organisations internationales: la combinaison entre mondialisation, crise financière et défis du changement climatique a revalorisé le rôle des communautés d’Etats telles que l’ONU, le G20 et le G7.

Divers trains de mesures conjoncturelles comportent par ailleurs des investissements considérables dans des initiatives «vertes». La Chine compte déjà parmi les principaux investisseurs dans les secteurs solaire et nucléaire. Ce pays communiste (du moins sur papier) crée en outre des incitations pour la construction de véhicules électriques et hybrides. En dépit des résultats très mitigés de la Conférence sur le climat à Copenhague, une autre date importante est d’ores et déjà inscrite au programme: les chefs de gouvernements se réuniront à Mexico du 29 novembre au 10 décembre 2010. Dans le cadre de la conférence de l’ONU «UN Framework Convention on Climate Change», on tentera de définir les stratégies susceptibles de réduire les émissions de gaz à effet de serre. L’ONU considère ce thème comme prioritaire, même si aucun plan contraignant ne voit le jour d’ici la fin de l’année. L’objectif consiste à orienter le monde vers une économie pauvre en carbone.

Les responsables en matière de placements de Schroders portent leur choix sur les entreprises bien armées face au défi du changement climatique. Investisseurs privés et institutionnels ont la possibilité d’en faire l’acquisition au moyen d’une corbeille d’actions et, concrètement, par le biais du fonds «Global Climate Change Equity». Celui-ci couvre des branches diverses: électriciens et entreprises d’approvisionnement énergétique, sociétés engagées dans la technologie de l’information et entreprises qui se distinguent par leur excellence en matière d’efficacité énergétique. Le fonds investit entre autres dans Paladin Energy, producteur australien d’uranium, lequel appartient majoritairement au géant minier Rio Tinto. Il inclut aussi les sociétés Dongfang Electric (siège principal à Chengdu) et Guangdong Investments (Hongkong) qui participent toutes les deux en tant que sous-traitantes aux projets de construction de nouvelles centrales électriques en Chine.

Gavin Marriott, représentant de Schroders, a évoqué une «renaissance du nucléaire» lors d’un exposé qu’il a donné à Zurich. Il s’est notamment référé aux plans de développement tous azimuts dans le monde. «Le gouvernement chinois a l’intention de doubler les capacités nucléaires du pays d’ici à 2020», a-t-il précisé. Selon les estimations du groupe minier Cameco, des capacités de production nucléaire supplémentaires de 34’000 MW seront installées en Chine d’ici à 2018. Elles augmentent d’ailleurs au même rythme dans les autres pays asiatiques. En Russie, la progression nette pourrait représenter quelque 21’000 MW, compte tenu des arrêts programmés des centrales nucléaires les plus anciennes. Quant au développement nucléaire à l’horizon 2018 en Europe et aux Etats-Unis, il est estimé à 10’000 MW environ pour la première et à quelque 9000 MW pour les seconds (chiffres nets).

Virginie Maisonneuve en est convaincue: «Le changement climatique déclenchera la prochaine révolution industrielle. Les défis qui y sont liés transformeront les économies nationales au même titre que la croissance démographique mondiale et la raréfaction grandissante des ressources.» Parmi les mesures de protection du climat, on relèvera le recours aux sources énergétiques alternatives émettant moins de carbone que les agents traditionnels - la houille et le pétrole. En font partie le solaire, l’éolien, la force hydraulique, la géothermie, le gaz naturel et le nucléaire. «Nous voyons aussi des investissements à long terme dans l’industrie nucléaire, en raison notamment – et c’est là un élément non négligeable – du remplacement indispensable des centrales nucléaires les plus anciennes», précise Virginie Maisonneuve.

Quelles sont par ailleurs les implications attendues des mégatendances évolution démographique et supercycles? L’expansion démographique mérite en effet d’être signalée: la population mondiale augmentera de 50% au cours des 40 prochaines années. Les économies traditionnelles sont parallèlement confrontées à des sociétés vieillissantes. L’un des supercycles a trait à la croissance économique gigantesque dans les pays seuils. Aujourd’hui déjà, l’expansion économique mondiale est due essentiellement aux marchés émergents. En termes de parité du pouvoir d’achat, ces marchés réalisent actuellement quelque 50% du produit intérieur brut mondial. Et on vend entre-temps plus de voitures en Chine qu’aux Etats-Unis.

Quels enseignements tirer de tout cela? Les besoins énergétiques continueront d’augmenter en dépit des économies, c’est évident. Conformément aux données fournies par l’Energy Information Administration (EIA) des USA, les besoins énergétiques des pays de l’OCDE s’accroîtront de quelque 15% entre 2010 et 2030, contre 51% pour les autres pays (seuils) [total mondial: +33,5%]. La demande d’électricité d’origine nucléaire progressera de 39% d’ici à 2030.