Message du Conseil fédéral concernant les initiatives antiatomiques et la loi sur l’énergie nucléaire (Dossier de presse du Detec)

14 mars 2001

1. Loi sur l'énergie nucléaire (LENu)


1.1 Situation initiale

La loi sur l'énergie atomique de 1959 et l'arrêté fédéral concernant cette loi, de 1978, sont les fondements de la législation sur l'énergie atomique. Mais bien des questions actuelles n'y sont pas réglées. De plus, l'arrêté fédéral est limité. Les Chambres fédérales l'ont prolongé pour la troisième fois au début d'octobre 2000, et ce pour encore dix ans. En septembre 2000, la disposition constitutionnelle relative au moratoire sur l'énergie nucléaire est arrivée à échéance. Par ailleurs, de nouvelles initiatives pour l'abandon du nucléaire et pour un moratoire ont été déposées en septembre 1999. Au moratoire de droit s'ajoute un moratoire de fait: il n'existe aucun projet de nouvelle centrale nucléaire. En effet, l'opinion s'y oppose, le marché européen de l'électricité connaît d'importantes surcapacités et l'ouverture de ce marché rend l'avenir incertain. Pourtant, quels que soient les efforts déployés en faveur de l'utilisation économe et rationnelle de l'énergie, pour le développement de la force hydraulique et pour la production d'électricité à partir d'agents renouvelables, le nucléaire reste au moins à moyen terme l'un des principaux piliers de l'approvisionnement de la Suisse en électricité, même sur un marché libéralisé. Voilà pourquoi le projet de LENu n'exclut pas le principe de la poursuite de l'exploitation des centrales nucléaires actuelles, voire la construction de nouveaux équipements de ce type.
Les travaux de révision ont commencé au milieu des années 1970. Une première consultation a eu lieu en 1981, avec un projet de loi sur la radioprotection et l'utilisation de l'énergie nucléaire. En 1985, une nouvelle loi sur l'énergie nucléaire était à son tour mise en consultation. Les travaux ont été reportés à plus d'une reprise. Dans les années 1990, différentes séries d'entretiens auraient dû débloquer la situation (dialogue énergétique, groupe de conciliation sur la gestion des déchets nucléaires, entretiens des conseillers fédéraux Couchepin et Leuenberger avec les exploitants des centrales nucléaires, les organisations écologistes et les cantons concernés). A la différence d'autres domaines de la politique énergétique où la collaboration a réalisé des progrès considérables (énergie hydraulique, lignes de transport), il n'a pas été possible de parvenir à un accord sur plusieurs questions essentielles. De son côté, le groupe d'experts pour les modèles de gestion des déchets radioactifs a présenté ses propositions en février 2000.
Le Conseil fédéral a débattu à plusieurs reprises du projet de loi et des deux initiatives antiatomiques et il a pris des décisions de principe. Le 21 octobre 1998, il a décidé de proposer un référendum facultatif pour d'éventuelles nouvelles centrales. Suite à des discussions avec des exploitants de centrales ainsi qu'avec leurs adversaires et avec les cantons concernés, il a décidé notamment le 7 juin 1999 de renoncer au retraitement des éléments combustibles usés. Le 27 octobre de la même année, il décidait de présenter la future LENu, comme contre-projet indirect aux deux initiatives. Par ailleurs, le concept de gestion des déchets du groupe EKRA a été repris dans l'avant-projet envoyé en consultation le 6 mars 2000. Le Conseil fédéral a encore pris connaissance des résultats de la procédure de consultation, le 2 octobre 2000, et il a abandonné l'idée de limiter dans la loi la durée d'exploitation des centrales. Il a décidé enfin de s'en tenir à l'interdiction du retraitement.

1.2 Teneur du projet de la LENu

Maintien de l'option nucléaire: la poursuite de l'exploitation des centrales actuelles et la construction de nouvelles centrales demeurent en principe admises. Les autorisations d'exploiter ne font l'objet d'aucune limite légale de la durée. Quant aux nouvelles constructions, elles devront refléter l'état le plus récent de la science et de la technique. La décision relative à de nouvelles centrales nucléaires sera sujette au référendum facultatif, sauf pour les dépôts souterrains en profondeur.

Champ d'application de la LENu (art. 2): la LENu s'étend à tout le cycle de l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire, sauf la radioprotection, à laquelle une loi spécifique est consacrée.

Interdiction de retraiter les assemblages combustibles usés (art. 9 et art. 104, al. 4): la législation actuelle ne touche pas le retraitement d'assemblages combustibles usés retirés des centrales nucléaires suisses et expédiés pour cela en France et en Angleterre. L'opération repose sur des contrats privés. Une autorisation doit toutefois être obtenue pour le transport et l'exportation de ces assemblages ainsi que pour le renvoi, ultérieurement, des déchets produits par le retraitement.
Le retraitement suscite aujourd'hui certaines réactions critiques quant à la sécurité, à la radioprotection, aux risques des transports, aux quantités de déchets produits, au gaspillage des ressources et à la rentabilité. On lui reproche surtout d'extraire le plutonium, d'exiger vraisemblablement plus de transports que l'évacuation pure et simple des déchets et de rejeter des substances radioactives dans l'eau et dans l'air, même si les valeurs limites fixées par la loi et les autorités ne sont pas dépassées. En outre, le retraitement est étroitement lié à la technologie des réacteurs à neutrons rapides, laquelle n'est plus au centre des préoccupations, en Europe tout au moins.
C'est pourquoi le retraitement et les exportations à cette fin sont désormais interdits; les contrats en cours pourront toutefois être honorés dans les limites définies par la loi. Ensuite, les assemblages combustibles usés devront être entreposés assez longuement, puis préparés pour le stockage dans un dépôt souterrain en profondeur.

Interdiction du transport aérien de matières nucléaires contenant du plutonium dans l'espace aérien suisse (art. 10): l'interdiction frappe essentiellement le transport d'assemblages combustibles neufs vers la Suisse. Certains de ces assemblages contiennent du plutonium recueilli lors du retraitement d'assemblages usés. Ils sont placés dans des conteneurs spéciaux pour le transport. Considérant les risques de tels transports ainsi que les avantages et inconvénients qu'ils présentent, le Conseil fédéral se prononce pour leur interdiction.

Prescriptions techniques concernant la désaffectation (art. 26 ss.): techniquement, on peut envisager différents modèles de désaffectation, par exemple le démantèlement dès la mise hors service ou bien au terme d'un confinement de sécurité relativement long. Le projet ne définit pas de modèle imposé, mais bien le cadre dans lequel la désaffectation doit se faire. Il fixe aussi les phases de l'opération.

Modèle d'évacuation (art. 3, let. a et b, art. 30 ss., LENu et art. 16, al. 1, let. C, loi sur la responsabilité civile en matière nucléaire): dans son rapport final du 31 janvier 2000, le groupe d'experts pour les modèles d'évacuation des déchets radioactifs (groupe EKRA) constate qu'en l'état actuel des connaissances, seul le stockage final géologique satisfait aux exigences de sécurité à long terme. Il n'en va pas de même des modèles reposant sur une surveillance permanente. En conséquence, le groupe EKRA propose un modèle de stockage géologique durable sous contrôle, qui permettrait de parvenir progressivement au stockage final. Il faut constituer les réserves financières nécessaires à la surveillance et à la fermeture du dépôt.
Une fois le dépôt fermé, sa surveillance reste une attribution de la Confédération. Elle peut en particulier ordonner une période de surveillance supplémentaire de l'environnement. En outre, la Confédération répondra des dommages qu'un dépôt souterrain en profondeur pourrait causer après sa fermeture.

Financement de la désaffectation et de l'évacuation des déchets (art. 76 ss.): le projet s'inspire des ordonnances sur la désaffectation et sur la gestion des déchets, cette dernière venant d'être adoptée. Le fonds de désaffectation est maintenu. Quant aux coûts d'évacuation des déchets survenant après la mise hors service d'une centrale nucléaire, ils devront être couverts par le nouveau fonds à cet effet. Il est également proposé des mesures de contrôle des réserves accumulées pour faire face aux coûts d'évacuation courants des déchets d'une centrale en service. A cela s'ajoute un autre élément de sécurité, à savoir, comme pour le fonds de désaffectation, l'obligation des versements complémentaires des autres sociétés exploitantes, au sens d'une responsabilité solidaire. Leur montant se limitera toutefois à ce qui est supportable économiquement; au besoin, l'Assemblée fédérale se prononcera sur une participation de la Confédération aux coûts non couverts.

Autorisation générale pour une nouvelle centrale nucléaire: l'autorisation générale fut une innovation importante de l'arrêté fédéral concernant la loi sur l'énergie atomique. Elle représente la décision politique de principe sur le projet. Or l'exploitation de la technique nucléaire reste controversée dans la population, de sorte qu'il faut maintenir le régime de l'autorisation générale (art. 12).
Actuellement, l'autorisation générale est accordée par le Conseil fédéral, dont la décision doit être entérinée par le Parlement. Il faut conserver ce système. De plus, la construction d'une nouvelle installation nucléaire soulevant des questions hautement politiques, qui intéressent le pays entier, le projet soumet l'aval donné par l'Assemblée fédérale au référendum facultatif (art. 47, al. 3). Font exception les décisions concernant les dépôts souterrains en profondeur. Dans de tels cas, l'approbation du canton d'accueil est de toute façon nécessaire.
L'arrêté fédéral concernant la loi sur l'énergie atomique exige la preuve du besoin pour l'octroi de l'autorisation générale. On peut abandonner cette exigence, notamment du fait de la nouvelle possibilité de référendum. Une nouvelle installation nucléaire ne sera autorisée qu'une fois assurée l'évacuation de ses déchets radioactifs. Pour les centrales en service, il reste à apporter la preuve que le sort des déchets fortement radioactifs peut être réglé aussi (art. 104, al. 2).

Autorisations requises pour construire et exploiter, coordination des procédures (art. 15, 19 et 48 ss.): comme jusqu'ici, la construction et l'exploitation d'une installation nucléaire requièrent une double autorisation. D'autres autorisations sont aujourd'hui nécessaires, qui ne relèvent pas de la législation sur l'atome et qui seront désormais coordonnées avec l'autorisation "nucléaire". On se réfère à la loi du 18 juin 1999 sur la coordination et la simplification des procédures de décision. Comme le veut cette loi, il est proposé d'introduire un droit légal d'expropriation pour les installations nucléaires, et partant, pour les centrales de ce type. En dérogation du principe de la concentration des procédures, l'accord du canton d'accueil est réservé pour la construction de dépôts en profondeur et pour les investigations géologiques. La dérogation se justifie du fait de la portée politique particulière d'un tel projet pour la région concernée. Les personnes touchées peuvent recourir contre les décisions et autorisations devant une autorité judiciaire indépendante de l'administration. Ainsi la compétence d'octroyer l'autorisation d'exploiter une centrale nucléaire échappe au Conseil fédéral.

Transfert de l'autorisation d'exploiter et de l'autorisation générale (art. 104, al. 3, art. 31, al. 3 et art. 65, al. 2): l'ouverture du marché de l'électricité entraînera probablement des restructurations importantes dans la branche. Des sociétés pourraient être tentées de se séparer de leur centrale nucléaire. C'est pourquoi la loi exige qu'en cas de transfert de l'autorisation d'exploiter d'une centrale nucléaire en service, le détenteur actuel démontre qu'il a alimenté les réserves des fonds de désaffectation et de gestion conformément à la durée d'exploitation. De plus, il doit rester responsable de l'évacuation des déchets produits jusqu'à la date du transfert; au besoin, le nouveau détenteur devra se substituer à lui (art. 104, al. 3). Ainsi le principe du pollueur payeur sera entièrement respecté. Pour les nouvelles centrales nucléaires, la même règle est applicable au transfert de l'autorisation générale (art. 31, al. 3, art. 65, al. 2).

2. Initiatives "Moratoire-plus" et "Sortir du nucléaire"

2.1 Situation initiale

Les initiatives "Moratoire-plus - Pour la prolongation du moratoire dans la construction de centrales nucléaires et la limitation du risque nucléaire (Moratoire-plus)" et "Sortir du nucléaire - Pour un tournant dans le domaine de l'énergie et pour la désaffectation progressive des centrales nucléaires (Sortir du nucléaire)" ont été déposées le 28 septembre 1999, avec respectivemement 120'628 et 117'675 signatures.

Le Conseil fédéral rejette les initiatives pour les raisons suivantes:
Il semble certes que l'initiative "Moratoire-plus" n'entraînerait pas des conséquences économiques graves, même si une prolongation de fonctionnement au-delà de 40 ans était refusée par référendum. Mais s'il fallait éviter que son acceptation se traduise par un accroissement des rejets de CO2 (par rapport à ce que représenterait le fonctionnement des centrales nucléaires actuelles durant 50 à 60 ans), des mesures supplémentaires devraient être prises. En somme, il serait plus difficile d'atteindre les objectifs en matière de CO2 et de maintenir l'option nucléaire.
Quant à l'initiative "Sortir du nucléaire", elle affecterait sensiblement la bonne marche de l'économie suisse. En effet, il faut s'attendre à ce que les surplus actuels d'électricité en Europe se résorbent à partir de 2010. Or l'initiative prévoit certaines restrictions au remplacement du courant produit dans les installations nucléaires; l'approvisionnement en électricité s'en trouverait sans doute fortement renchéri. Par ailleurs, il serait politiquement impossible d'imposer l'interdiction stricte d'importer du courant de source nucléaire ou d'origine thermique fossile non assortie de la récupération de chaleur. A cela s'ajouterait le prix des mesures à prendre pour éviter l'augmentation des rejets de CO2 (imputable à l'arrêt des centrales nucléaires), voire pour les réduire de 10 %, comme le veut la loi en la matière. L'acceptation de l'initiative permettrait certes d'échapper aux risques liés à l'utilisation d'énergie nucléaire. Le Conseil fédéral estime toutefois que cela ne compenserait pas les inconvénients d'un abandon prématuré de cette technique.
Le projet répond à plusieurs objectifs des initiatives "Moratoire-plus" et "Sortir du nucléaire" (interdiction du retraitement, référendum facultatif pour de nouvelles installations nucléaires, évacuation des déchets radioactifs, y compris la garantie du financement des coûts de désaffectation et de gestion). D'autres mesures réclamées par elles peuvent d'ailleurs être prises en vertu des dispositions constitutionnelles et légales actuelles ou prévues (p.ex. le régime de la déclaration de provenance du courant électrique).
La teneur des initiative peut être brièvement présentée et commentée comme suit (résumé):

2.2 Moratoire-plus

Prolongation de l'exploitation au-delà de 40 ans: l'initiative demande, pour la prolongation de l'exploitation des centrales nucléaires au-delà de 40 ans, un arrêté fédéral soumis au référendum. Elle ne précise pas quelle devrait être l'organe d'autorisation. Elle laisse donc une certaine marge de manœuvre qui pourrait être remplie par des dispositions d'exécution. La compétence d'octroyer l'autorisation en question devrait être transférée au Conseil fédéral, comme dans la loi actuelle sur l'énergie atomique.
L'initiative précise par ailleurs que la demande de prolongation doit renseigner sur le vieillissement de l'installation et sur les problèmes de sécurité qui en découlent, ainsi que sur les mesures et les dépenses nécessaires pour adapter l'installation aux normes internationales de sécurité en vigueur.
La surveillance du vieillissement des centrales nucléaires se poursuit en permanence; toutes les centrales sont soumises à des programmes spéciaux pour cela. Un contrôle plus détaillé est effectué à l'occasion des inspections périodiques de sécurité, tous les dix ans environ. Ainsi le vieillissement et les problèmes de sécurité qui y sont liés ne sont nullement ignorés.
Les centrales les plus anciennes, construites selon l'état de la science et de la technique de leur époque, ne peuvent correspondre en tous points aux exigences fixées aujourd'hui pour des installations neuves. L'obligation d'adapter tous les composants de l'installation aux normes de sécurité les plus modernes obligerait à mettre hors service certaines centrales, en particulier les plus anciennes. Une obligation aussi tranchante ne ressort cependant pas du texte de l'initiative. Il faut bien plutôt décider au vu de chaque développement de la science et de la technique s'il est déterminant pour la sécurité. Dans l'affirmative, on examinera si les mesures appropriées peuvent être prises raisonnablement ou si d'autres interventions permettent d'atteindre le niveau de sécurité requis.

Déclaration de la provenance et du mode de production de l'électricité: l'initiative demande que soient déclarés la provenance et le mode de production du courant.
La constitution fédérale offre aujourd'hui déjà une base juridique suffisante pour instaurer la déclaration obligatoire. En outre, la loi sur le marché de l'électricité, entérinée par le Parlement le 15 décembre 2000, renferme une disposition dans ce sens. Ainsi, point n'est besoin d'instaurer une réglementation à l'échelon de la constitution, et pas davantage à celui de la loi, réserve faite du résultat d'une éventuelle votation référendaire touchant la loi sur le marché de l'électricité.

Pas d'autorisations fédérales pendant 10 ans: pendant dix ans à compter de l'acceptation de l'initiative, aucune autorisation fédérale ne pourrait être octroyée pour de nouvelles installations destinées à la production d'énergie nucléaire, pour l'augmentation de la puissance des centrales nucléaires en service ainsi que pour des réacteurs utilisés dans la recherche et le développement nucléaires, sauf s'ils servent à la médecine.
Le renouvellement des centrales nucléaires n'est pas mentionné explicitement dans l'initiative, mais il est touché. Dans ce contexte, par renouvellement on n'entend pas les travaux qui se limitent à des parties isolées de l'équipement, mais les opérations qui reviennent pratiquement à réaliser une nouvelle installation (p.ex. le remplacement de la cuve du réacteur). Toute installation en service nécessite des réparations et des modifications (dont certaines requièrent une autorisation) qui ne constituent pas son renouvellement (p.ex. le remplacement des générateurs de vapeur ou du système de pilotage des dispositifs de sécurité du réacteur, la construction d'un système de refroidissement de secours, etc.). Ces travaux ne sont pas touchés par l'initiative.
S'agissant des réacteurs servant à la recherche et au développement nucléaire, aucune autorisation fédérale ne pourrait leur être accordée s'ils ne servent pas à la médecine. Selon le texte de l'initiative, cette restriction ne s'applique pas seulement à de nouvelles installations, mais aussi à celles qui sont actuellement en service. Ainsi des autorisations seraient-elles refusées si elles concernaient la modification d'installations en service, mais sans doute pas si elles touchaient la désaffectation de tels réacteurs.

Indemnisation en cas de refus de prolonger l'autorisation d'exploiter: pour qu'une centrale nucléaire puisse rester en service plus de 40 ans, il faut un arrêté fédéral soumis au référendum. Les conditions et les modalités du rejet, de même que la question de l'indemnisation en cas de refus de la prolongation devraient être réglées par voie légale.
Une indemnité devrait être versée en particulier si des investissements effectués en vertu du droit en vigueur ne pouvaient plus être amortis à cause du nouveau droit. La durée d'amortissement prévue est de 40 ans pour la centrale nucléaire de Leibstadt et de 30 ans pour les autres. A cause de la libéralisation du marché de l'électricité, les exploitants affirment n'avoir pas l'intention d'effectuer encore de gros investissements. En conséquence, les frais de premier établissement devraient pouvoir être amortis avant une éventuelle votation populaire sur la prolongation de l'autorisation, si bien qu'il ne devrait pas y avoir de régime d'indemnisation. En outre, la perte de gain ne donnera vraisemblablement pas droit à un dédommagement.
En vertu de la réglementation en vigueur, les moyens financiers nécessaires à la désaffectation des centrales nucléaires et à l'évacuation des déchets radioactifs doivent être réunis dans un laps de temps de 40 ans. Ce financement s'effectue par le moyen du fonds de désaffectation et du fonds de gestion. Etant donné cette obligation, il n'y a pas lieu de croire que la dépense sera trop élevée pour la société tenue de procéder à la désaffectation et que la Confédération devra payer la différence.

Indemnisation pour non-octroi d'autorisations pendant le moratoire: pendant dix ans, aucune autorisation relevant de la législation sur l'énergie nucléaire ne pourrait être accordée pour de nouvelles installations destinées à la production d'énergie nucléaire, ni pour des réacteurs destinés à la recherche et au développement, sauf s'ils servent les intérêts de la médecine. Le non-octroi d'autorisations pour de nouvelles installations nucléaires pendant la durée du moratoire n'entraînera aucune revendication en dédommagement par la Confédération. En effet, la question ne pourrait se poser que si un requérant avait, en vertu de la situation juridique ou sur la foi des assurances qui lui auraient été données, consenti des investissements que le moratoire ferait se révéler sans valeur. Actuellement, aucune requête n'est pendante. La question ne devrait donc pas se poser.

2.3 Sortir du nucléaire

Désaffectation progressive: l'initiative demande que les centrales nucléaires soient progressivement désaffectées. Elle fixe également le moment auquel elles devront être mises hors service: Beznau 1, Beznau 2 et Mühleberg au plus tard deux ans après son adoption, Gösgen et Leibstadt au plus tard après trente années de service, soit en 2008 et en 2014.
L'initiative ne comporte pas d'interdiction expresse de nouvelles centrales nucléaires. Elle précise cependant que la Confédération doit arrêter des dispositions pour la conversion aux sources non nucléaires d'énergie. Il faut en déduire que la construction et la mise en service de nouvelles centrales nucléaires servant à produire du courant seraient exclues. L'initiative ne considère pas d'autres installations nucléaires (p.ex. réacteurs nucléaires de chauffage ou de recherche) qui ne servent pas à produire de l'électricité; de telles installations pourraient donc encore être construites.

Interdiction du retraitement: l'initiative s'oppose également au retraitement des éléments de combustible nucléaire irradié. Selon le texte, il n'est pas permis d'exporter du combustible usé pour le retraiter. Aucune autorisation ne doit plus être délivrée pour le transport et l'exportation de barreaux de ces éléments pour le retraitement à l'étranger. Si l'initiative était acceptée, les exploitants de centrales nucléaires suisses ne pourraient plus remplir leurs obligations contractuelles. Ils devraient reprendre quasiment tels quels les éléments de combustible non encore retraités.
Le projet de LENu prévoit également l'interdiction du retraitement, mais avec une disposition transitoire qui permet aux exploitants d'honorer les accords passés jusqu'au 31 décembre 2000.

Conversion aux sources non nucléaires de l'approvisionnement en électricité: l'initiative veut convertir la production d'électricité aux ressources non nucléaires, tout en évitant de substituer à l'électricité nucléaire du courant provenant d'installations thermiques fossiles sans récupération de chaleur. La conversion à des ressources non nucléaires exigerait tout un arsenal de mesures, en particulier le recours accru à des installations à CCF alimentées aux agents fossiles et à des installations utilisant des énergies renouvelables, ainsi que d'autres efforts en vue d'utiliser rationnellement l'énergie.
Une éventuelle interdiction d'importer le courant produit à partir d'énergie nucléaire ou fossile sans récupération de chaleur poserait des questions de compatibilité avec l'accord de libre échange passé avec la CEE, l'accord du GATT et la charte de l'énergie. Notre pays devrait s'attendre à des sanctions et à des mesures de rétorsion de la part des autres partenaires aux accords et des organisations internationales concernées.

Stockage durable des déchets radioactifs produits en Suisse: l'initiative demande que soient arrêtées des dispositions légales concernant le stockage durable des déchets radioactifs produits en Suisse, les exigences de sécurité y relatives et l'ampleur minimale des droits de codécision des collectivités intéressées. Il ne ressort pas du texte ce que les initiants entendent par «stockage durable». Or plusieurs notions sont discutées dans ce contexte: dépôt durable, stockage durable sous contrôle, dépôt final, dépôt souterrain contrôlé de longue durée. L'initiative ne se prononce pas davantage sur les exigences de sécurité auxquelles devrait satisfaire un dépôt de déchets radioactifs, ni sur l'ampleur minimale des droits de codécision des collectivités touchées par le dépôt. Le législateur devra formuler des prescriptions à ce sujet. Le modèle proposé par le groupe EKRA est repris dans le projet de LENu, qui fait dépendre la réalisation d'un dépôt souterrain en profondeur de l'approbation du canton d'accueil. Ainsi, il répond à l'essentiel des revendications de l'initiative sur ce point.
Par ailleurs, l'initiative ne dit rien du stockage à l'étranger des déchets radioactifs produits en Suisse. Rien n'indique qu'elle en préconise l'interdiction. Ses auteurs se prononcent en faveur du stockage à l'emplacement optimal. Si la possibilité d'exporter les déchets à cette fin était envisagée, le pays d'accueil devrait offrir des conditions de sécurité et de codécision démocratique qui répondent aux prescriptions suisses.

Obligation faite aux exploitants et aux actionnaires de centrales nucléaires d'assumer les coûts: l'initiative prévoit que les exploitants ainsi que leurs actionnaires et les entreprises partenaires supportent tous les frais en rapport avec l'exploitation et la désaffectation des centrales nucléaires. Au moyen de cette disposition, les initiants veulent exclure toutes prétentions en dommages-intérêts adressées à la Confédération et, partant, tout report des coûts sur la collectivité. Même si le refus de toute obligation de dédommagement n'est pas explicite, le Conseil fédéral estime qu'il est contenu dans le texte.
Les frais en rapport avec l'exploitation et la désaffectation englobent en particulier les coûts d'amortissement, de désaffectation et d'évacuation, ainsi que les coûts éventuels pour la dénonciation avant terme des contrats de retraitement.
L'obligation faite par l'initiative de la prise en charge par les exploitants, ainsi que par les actionnaires et les entreprises partenaires, de tous les frais en rapport avec l'exploitation des centrales nucléaires et leur désaffectation signifie tout d'abord que des fonds publics ne doivent pas y être consacrés. Mais l'initiative ne règle pas les modalités de cette prise en charge. Il faudrait donc que le législateur précise comment répartir ces coûts entre exploitants, actionnaires et entreprises partenaires, et en particulier les conditions préalables et l'ampleur de la participation exigée des deux dernières catégories mentionnées.

Source

Detec

Restez informé-e!

Abonnez-vous à notre newsletter

Vers l’abonnement à la newsletter

Profitez de nombreux avantages

Devenez membre du plus grand réseau nucléaire de Suisse!

Les avantages en tant que membre