Mortalité infantile dans les environs d'installations nucléaires espagnoles

La population qui habite dans les environs d'installations nucléaires constitue un objet d'étude apprécié par les épidémiologistes qui veulent découvrir, par des méthodes statistiques, si des accumulations de maladies radioinduites telles que des cancers se retrouvent parmi cette population.

3 févr. 2000

Les scientifiques se trouvent confrontés ici à un problème fondamental: la dose d'irradiation supplémentaire provoquée par les installations ne correspond la plupart du temps qu'à une infime partie de la dose d'irradiation naturelle, et cette dernière est déjà tellement faible que la médecine n'est pas parvenue jusqu'à présent à démontrer qu'elle engendrait des maladies. De plus, des habitudes alimentaires, le tabac, des poisons environnementaux, etc., peuvent provoquer les mêmes maladies que les rayonnements ionisants; il est donc important de tenir compte de tous ces facteurs dans une étude et de les délimiter entre eux. Il est ainsi rarissime que les résultats de telles études permettent de tirer des enseignements concluants.
Il en va exactement de même d'un rapport sur le risque de cancer dans les environs d'installations nucléaires espagnoles qui est paru dans le "Cancer Epidemiology, Biomarkers & Prevention" (Vol. 8, 925 à 934, octobre 1999). Les auteurs ont étudié des décès dus à des cancers, des leucémies, des lymphomes hodgkiniens et non hodgkiniens ainsi que des myélomes multiples dans des communes choisies au hasard dans un rayon de 30 km autour des sept centrales nucléaires espagnoles, de quatre usines de production d'uranium et d'un dépôt de déchets radioactifs. Le risque de décès de ce "groupe exposé" a été comparé à celui d'un groupe de contrôle - des communes similaires concernant le nombre d'habitants, le niveau des salaires, le chômage, etc. situées à une distance de 50 à 100 km des installations - et à celui de la moyenne de la population espagnole. La statistique se fonde sur 610 décès dus à une leucémie, 198 à un lymphome et 122 à un myélome, décès survenus entre 1975 et 1993 parmi le groupe exposé.
On a introduit pour la première comparaison la grandeur statistique "risque relatif": cette grandeur décrit le risque du groupe exposé par rapport à celui du groupe de contrôle de mourir des cancers cités. Si le risque relatif est par exemple de 1, les personnes du groupe exposé et celles du groupe de contrôle subissent le même risque de décès; si le risque relatif est supérieur à 1, les personnes du groupe exposé subissent un risque de décès plus élevé, etc. Pour la deuxième comparaison, on a calculé le rapport en pour-cent entre les décès observés dans le groupe exposé et les décès à escompter sur la base de la moyenne dans la population espagnole.
En moyenne de toutes les centrales nucléaires, le risque relatif pour le lymphome non hodgkinien a été de 0,835. Ce risque relatif a atteint 1,239 pour le lymphome hodgkinien, 1,472 pour le myélome multiple et 0,956 pour la leucémie. Si l'on considère les seuls cas de décès de leucémie parmi les moins de 25 ans, le risque relatif a été de 0,703. En d'autres termes, les personnes vivant dans le rayon de 30 km autour des centrales nucléaires espagnoles et les personnes vivant à une distance de 50 à 100 km de ces installations n'ont pas été exposées en moyenne à un risque significativement différent concernant ces cancers.
Par rapport à la moyenne nationale, les résultats obtenus sont les suivants: pour le lymphome non hodgkinien, la mortalité du groupe exposé a atteint 68,6% de celle de la moyenne de la population espagnole, ce pourcentage étant de 86,5% pour le lymphome hodgkinien, de 80,1% pour le myélome multiple, de 83,4% pour la leucémie, et de 77,6% pour la leucémie parmi les moins de 25 ans. Tendanciellement, on a observé parmi les personnes vivant dans le rayon de 30 km plutôt moins de décès dus aux maladies citées que parmi la moyenne de la population espagnole. Les auteurs de l'étude soulignent toutefois que le groupe exposé a un caractère plus agricole que la moyenne espagnole et que le groupe de contrôle se prête mieux aux comparaisons.
Pour les quatre usines de production d'uranium et le dépôt de déchets, l'analyse des décès par cancer a conduit à des résultats similaires: le risque relatif a atteint 1,101 pour le lymphome non hodgkinien, 0,931 pour le lymphome hodgkinien, 1,089 pour le myélome multiple, 1,062 pour la leucémie et 1,015 pour la leucémie parmi les moins de 25 ans. Par rapport à la moyenne de la population espagnole, la mortalité du groupe exposé a été de 64,3% pour le lymphome non hodgkinien, de 87,3% pour le lymphome hodgkinien, de 79,9% pour le myélome multiple, de 95,7% pour la leucémie et de 119,1% pour la leucémie parmi les moins de 25 ans.
A noter que les valeurs varient fortement d'une installation à l'autre, ce qui, compte tenu du faible nombre de décès sur lequel se fonde l'évaluation statistique, n'est guère surprenant. C'est ainsi que parmi le groupe exposé habitant autour de la centrale nucléaire de Zorita (Jose Cabrera 1), on a constaté un risque de décès plus élevé par myélome multiple ainsi qu'une augmentation statistique de ce risque avec la diminution de la distance par rapport à la centrale. Mais cette tendance n'est pas évidente elle non plus puisque le risque le plus élevé a été observé à une distance de 13 à 19 km de la centrale, et non pas dans le rayon le plus rapproché (de 0 à 13 km). Les auteurs ne manquent donc pas de recommander la plus grande prudence dans l'interprétation de leur étude.

Source

M.S./C.P. d'après Cancer Epidemiology, Biomarkers & Prevention, octobre 1999, et des informations du Centro Nacional de Epidemiologia, 4 février 2000

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