Offre et demande d’uranium: un parallèle évident avec le marché de l’or

La correction des prix de l’oxyde d’uranium touche à sa fin. Des cotations sensiblement plus élevées sont attendues à moyen et à long terme. Le parallèle avec l’or est évident.

14 janv. 2010

La première moitié de la dernière décennie n’a enregistré aucun boom des matières premières. La récession de l’industrie s’est répercutée sur les cotations des métaux précieux. L’uranium a lui aussi atteint un prix plancher historique entre 2000 et 2002, une livre d’oxyde d’uranium (0,453 kg) revenant à environ 10 dollars américains en moyenne annuelle, son prix ayant chuté par moments à 7 dollars. Une tendance à la hausse exponentielle s’est amorcée ensuite, tendance ayant persisté jusqu’en 2007: cette année-là, le prix moyen d’une livre d’oxyde d’uranium a frisé les 100 dollars, avec des pics atteignant 137 dollars. D’où une forte correction: les prix spot sont retombés à 35 dollars au printemps 2009 pour se rétablir une nouvelle fois par la suite.

Tendances sur les marchés du futur

La tendance du marché spot de l’uranium, où la demande immédiate de combustible est confrontée à l’offre existante, est en corrélation avec celle des autres ressources énergétiques telles que le pétrole ou le gaz. L’évolution des prix de l’uranium est cependant plus volatile, car seuls 15% de la matière première sont négociés sur les marchés spot, le reste faisant l’objet de contrats à long terme. Une livre d’uranium coûte actuellement environ 46 dollars sur les marchés spot, alors que les prix prévus dans les contrats de livraison à long terme sur les marchés du futur avoisinent les 61 dollars. Ces marchés du futur anticipent donc une hausse considérable des prix du «gâteau jaune» (yellowcake).

Les sources d’uranium secondaires, notamment celles qui proviennent des arsenaux militaires et du retraitement, continuent de jouer un rôle important puisqu’elles permettent de couvrir environ un tiers des besoins (chiffres 2008). Il n’existe, bien sûr, aucune garantie quant au volume des livraisons. Toujours est-il que les fournisseurs ont tout intérêt à éviter une pléthore de l’offre pour ne pas faire pression sur les prix.

Parallèle avec le marché de l’or

On relèvera ici un parallèle étonnant avec le marché de l’or qui a négocié lui aussi une offre secondaire par le passé, offre particulière ne provenant pas des mines d’or: dans le cadre d’une action coordonnée, les grandes banques d’émission de quelques pays industrialisés occidentaux, dont la Suisse, ont en effet liquidé d’énormes réserves d’or à un prix extrêmement bas, comme nous l’avons appris depuis. L’once troy a été négociée à moins de 200 dollars en 2000 et 2001, alors qu’elle vaut cinq fois plus aujourd’hui. L’offre des banques d’émission a tenu les prix de l’or en échec à la fin des années 90 et au cours des cinq premières années du XXIe siècle. L’oxyde d’uranium a enregistré une évolution similaire liée à la fin de la Guerre froide, au désarmement et au démantèlement d’armements nucléaires désuets.

Mais que se passera-t-il lorsque la demande d’uranium aura augmenté du fait des besoins croissants de l’Inde et de la Chine et que les stocks d’origine militaire auront fondu? C’est ce point qui rend la situation très vulnérable selon différents analystes: les mines d’uranium risquent, en effet, de se trouver dans l’impossibilité d’augmenter leur offre à court terme, ce qui pourrait conduire à une hausse des prix. Le manque d’élasticité de l’offre à court terme pourrait même entraîner une explosion des prix. Mais en théorie seulement puisque les pays dont les besoins en uranium augmenteront massivement à l’avenir sont en train de constituer leurs propres stocks. Des livraisons supplémentaires ponctuelles en provenance d’arsenaux nucléaires ne sont par ailleurs pas exclues.

Doublement des coûts de production en 2003

Les analystes de la World Nuclear Association (WNA) tablent sur une offre décroissante de sources secondaires, tant en termes absolus qu’en pourcentages. Au cas où les besoins dépasseraient le scénario de référence de la WNA, il se pourrait que les mines n’arrivent plus à couvrir la demande supplémentaire dès 2015 déjà. Si le scénario s’avérait exact, les mines parviendraient tout juste à faire face à l’augmentation de la demande en se tournant vers de nouvelles régions d’extraction. Les coûts de production d’une mine sont aujourd’hui de quelque 27 dollars la livre. Un doublement de la production mondiale porterait ces coûts à environ 60 dollars. WNA estime que la production mondiale pourrait doubler dès 2023 et au plus tard d’ici 2030. Mais même dans ce cas, il pourrait y avoir des pénuries considérables au niveau de l’offre selon l’évolution de la situation.

Evaluer l’influence des spéculateurs financiers est encore plus ardu que faire des prévisions comme celles évoquées ci-devant. Le passé récent nous le prouve: les fonds alternatifs ont contribué à des exagérations sur les marchés en 2007. Certains de ces fonds ayant ensuite capitulé face à un renversement de tendance surprenant, le marché a de nouveau accueilli de plus grandes quantités d’oxyde d’uranium.


«Le nucléaire est appelé à jouer un rôle plus important »

«Il faut combler une lacune de près de 12'000 TWh d’ici à 2030», a expliqué Ian Parkinson, analyste de la banque commerciale canadienne CIBC, à l’agence Reuters. Selon lui, les besoins en électricité augmenteront de deux tiers en vingt ans. Il précise que «le nucléaire est appelé à jouer un rôle plus important dans cette croissance.» Même son de cloche parmi les analystes de RCR Resource Capital Research (Australie) qui notent que 53 centrales nucléaires sont en chantier dans le monde et que quelque 440 autres installations sont prévues et planifiées, ce chiffre ayant augmenté de 20% en une année. «Cette tendance soutient le prix de l’uranium», précise RCR. L’Australie est avec le Canada et le Kazakhstan l’un des trois principaux producteurs d’uranium, suivi à distance par la Russie, la Namibie et le Nigéria. Rio Tinto est le leader mondial du secteur, suivi par Cameco et Areva.

En résumé

Les prix sur le marché spot de l’uranium accusent une tendance latérale à court terme. Vu la constitution de stocks, une chute des cours est peu probable. Les indicateurs vont dans le sens d’une hausse sensible des cotations pour le moyen et le long terme. Compte tenu de la structure des coûts des centrales nucléaires, cette tendance n’influera pas sur l’efficience des installations, ce que prouvent les expériences faites en 2007, année record.

Source

Hans-Peter Arnold / P.V.

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