Recherche sur les gaines de combustible au PSI

A l’aide de neutrons et de rayonnement synchrotron, des chercheurs du Laboratoire pour les Matériaux Nucléaires de l’Institut Paul-Scherrer (PSI) tentent de comprendre de quelle manière l’hydrogène se répartit dans la gaine qui entoure le combustible. Pour la première fois, ils ont étudié des échantillons de gaine sous contrainte mécanique, et découvert que la variation des efforts avait une incidence sur la diffusion de l’hydrogène.

25 juil. 2014
L’illustration montre des hydrures dans la gaine du crayon combustible; il s’agit des lignes fines en sombre sur le fond clair. Le fait que les liaisons fragiles d’hydrogène se répartissent le long de la surface externe de la gaine plutôt que dans une direction radiale présente l’avantage qu’une défaillance sous pression est moins probable.
L’illustration montre des hydrures dans la gaine du crayon combustible; il s’agit des lignes fines en sombre sur le fond clair. Le fait que les liaisons fragiles d’hydrogène se répartissent le long de la surface externe de la gaine plutôt que dans une direction radiale présente l’avantage qu’une défaillance sous pression est moins probable.
Source: PSI / Mahir Dzambegovic

La gaine qui entoure le combustible nucléaire est une des barrières empêchant la dispersion d’éléments radioactifs en-dehors du réacteur. Actuellement, ces gaines de plusieurs mètres de long sont constituées d’un alliage de zirconium. Ce matériau est capable de supporter des charges mécaniques, de résister à la corrosion, et il possède un point de fusion élevé. Mais en exploitation, la gaine peut se fragiliser par absorption d’hydrogène, et sa fonction protectrice s’en trouver perturbée. Des tests ont montré que l’hydrogène avait tendance à diffuser à l’extrémité de la fissure existante dans la gaine, où le plus souvent, il forme rapidement des hydrides. Jusqu’à présent, aucune explication n’a été trouvée à ce phénomène.

Les chercheurs de l’équipe emmenée par Johannes Bertsch, du Laboratoire pour les Matériaux Nucléaires, ont effectué des mesures à la source de neutrons SINQ du PSI, et identifié des éléments indiquant que ce sont les différences d’efforts qui contrôlent la diffusion d’hydrogène dans les gaines. Les chercheurs exploitent le fait que l’hydrogène capture très fortement les neutrons, contrairement au zirconium. L’irradiation du matériau de la gaine avec des neutrons a ainsi permis de visualiser in situ la diffusion de l’hydrogène. «C’est la première fois que quelqu’un réalise une radiographie neutronique dans un alliage de gaine sous contrainte mécanique, explique Johannes Bertsch. Et c’est uniquement grâce à cette technique que nous avons réussi à montrer le rapport de cause à effet entre variation d’efforts internes et diffusion d’hydrogène. L’étape suivante consistera à quantifier ce rapport, c’est-à-dire à déterminer à quel point la vitesse de diffusion dépend précisément de l’ampleur des gradients de contrainte.»

L’hydrogène: origine et conséquences

L’hydrogène apparait à la surface extérieure des crayons combustibles. En effet, en raison des températures et des pressions élevées qui règnent au sein du réacteur, les molécules d’eau se séparent en hydrogène et en oxygène. L’oxygène oxyde la paroi extérieure des gaines. Cette mince couche d’oxyde n’est pas suffisante pour empêcher l’hydrogène d’atteindre l’intérieur de la gaine. Mais tous les alliages de zirconium n’absorbent pas l’hydrogène dans les mêmes proportions. D’après le PSI, l’alliage Zircaloy-2, utilisé dans les réacteurs à eau bouillante (par exemple Leibstadt et Mühleberg), est plus réceptif que l’alliage Zircaloy-4, habituellement employé dans les réacteurs à eau pressurisée (par exemple Beznau et Gösgen). Il semblerait que les résidus de nickel, présents dans Zircaloy-2 et non dans Zircaloy-4, favorisent l’absorption d’hydrogène.

La part d’hydrogène dans la masse totale de la gaine est faible: elle est de l’ordre de 100 mg d’hydrogène par kilo d’alliage. L’hydrogène peut toutefois dégrader nettement la stabilité mécanique de la gaine. D’un côté, l’hydrogène libre, c’est-à-dire chimiquement non lié avec l’alliage, augmente la vulnérabilité du matériau de la gaine aux déformations plastiques par températures élevées. Si l’hydrogène atteint une concentration trop élevée dans la gaine, il ne peut plus se maintenir sous forme libre, et crée des liaisons chimiques avec le métal environnant: les hydrures. A 300 ºC, température d’exploitation typique d’un réacteur nucléaire, l’hydrogène précipite dès qu’il atteint une concentration d’environ 120 millionièmes. A température ambiante, l’ensemble de l’hydrogène est présent sous forme d’hydrures. Ceux-ci rendent la gaine cassante. La défaillance de ces hydrures fragiles est par ailleurs susceptible d’agrandir les fissures déjà présentes. Cette fragilisation affecte la gaine non seulement pendant l’exploitation du réacteur, mais aussi après le déchargement des barres de combustible usées, pendant la phase d’entreposage intermédiaire, et jusqu’au transport dans le dépôt en couches géologiques profondes. D’après le PSI, l’autorité de sûreté nucléaire américaine (NRC) songe déjà à faire figurer la teneur en hydrogène parmi les principaux critères servant à fixer la durée d’exploitation autorisée des assemblages combustible.

Utilisation de zirconium

Depuis des décennies déjà, on utilise des alliages de zirconium comme matériau pour fabriquer les gaines de combustible. Le problème lié à l’hydrogène a été identifié dès le début: voilà pourquoi, très vite, on s’est mis à réfléchir à la manière de maîtriser une éventuelle fragilisation de la gaine par absorption d’hydrogène. Par exemple, en recourant à des processus de fabrication qui produisent de manière ciblée de fines structures dans la gaine (texture), afin d’influencer la répartition et l’orientation des précipités de l’hydrogène, et donc ses liaisons chimiques.

Source

M.B./C.B. d’après des communiqués de presse du PSI du 14 juillet 2017

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