Remplacement de l'énergie nucléaire par une extension forcée de l'énergie photovoltaïque, par le couplage chaleur-force et par une amélioration forcée de l'efficacité d'utilisation de l'électricité

Que coûterait à l'économie suisse l'arrêt anticipé des centrales nucléaires conformément aux deux nouvelles initiatives antiatomiques déposées en automne 1999? Il y a un an, une première étude globale de science économique était publiée sur ce sujet. Les résultats de la 2e partie de cette étude ont été présentés le 16 janvier 2001 à Berne lors d'une conférence de presse des centrales nucléaires suisses: cette partie traite des autres scénarios d'un remplacement possible de l'énergie nucléaire et de leurs conséquences économiques.

15 janv. 2001

Souhaits de bienvenue et introduction

M. Hans Fuchs, Directeur de la production thermique, Aar et Tessin SA d'Electricité (Atel), Olten, membre du comité énergie nucléaire (UAK) des Ueberlandwerke (sociétés d'électricité d'importance nationale), vice-président de l'Association suisse pour l'énergie atomique (ASPEA)


Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue au nom des centrales nucléaires suisses, plus précisément en tant que membre du comité de l'énergie nucléaire UAK. L'UAK coordonne les activités communes des centrales nucléaires à la demande du comité des Ueberlandwerke, les sociétés d'électricité suisses d'importance nationale.
Lors d'une conférence de presse organisée le 22 février 2000 à l'occasion de la publication d'une expertise, nous avions expliqué qu'il existait une réponse à la question suivante: Quelles seraient les conséquences d'un abandon de l'énergie nucléaire en Suisse? Les experts consultés, MM. Pfaffenberger et Borner, étaient arrivés à la conclusion qu'un abandon de l'énergie nucléaire conforme aux intentions de l'initiative "Sortir du nucléaire" entraînerait des coûts d'au moins 40 milliards de francs pour l'économie nationale si l'on remplaçait les centrales nucléaires par des centrales à gaz.
Suite à diverses questions et suggestions sur cette 1ère partie de l'expertise, nous avons demandé au Professeur Pfaffenberger d'étudier dans une 2e partie dans quelle mesure les centrales nucléaires pourraient être remplacées en Suisse par une utilisation forcée de centrales solaires et d'éoliennes, respectivement par des économies forcées d'électricité.
Pour ne pas vous tenir en haleine plus longtemps, je vous donnerai brièvement la réponse: pas dans une très large mesure! Résumons la situation: dès la 1ère partie de l'étude, nous nous étions fondés sur trois scénarios:

  • Sortir du nucléaire: arrêt des centrales nucléaires deux ans après l'acceptation de l'initiative, respectivement après 30 ans d'exploitation.
  • Moratoire-plus: les centrales nucléaires sont arrêtées après 40 ans d'exploitation.
  • Cas de référence: exploitation de Beznau et de Mühleberg pendant 50 ans, de Gösgen et de Leibstadt pendant 60 ans.

Comme déjà mentionné, nous avions choisi dans la 1ère partie la variante "Remplacement par des centrales à gaz". Viennent maintenant s'y ajouter dans la 2e partie les variantes

  • extension forcée de la photovoltaïque et de l'énergie éolienne ("PV"), et
  • amélioration forcée de l'efficacité en matière d'utilisation de l'électricité ("Efficacité"),
  • avec dans chaque cas le recours à beaucoup de couplage chaleur-force (CCF).

Le Professeur Wolfgang Pfaffenberger donne des cours aux universités de Brême et d'Oldenburg, et en tant que directeur de "l'Institut de l'énergie de Brême", il a analysé entre autres les conséquences d'un abandon de l'énergie nucléaire pour l'Allemagne ainsi que l'utilisation du couplage chaleur-force.
Le Professeur Silvio Borner est titulaire d'économie publique et directeur du département de recherche économique appliquée du Centre des sciences économiques de l'Université de Bâle.
Le Professeur Pfaffenberger va maintenant vous parler des résultats de l'étude, puis le Professeur Borner présentera les conclusions économiques et politiques, et je terminerai enfin par un commentaire.

Version abrégée de l'étude

Prof. Wolfgang Pfaffenberger, Directeur de l'Institut de l'énergie de l'Université de Brême et Professeur à l'Institut d'économie politique I de l'Université d'Oldenburg


Une expertise sur les coûts pour la Suisse d'un abandon de l'énergie nucléaire a été publiée en février 2000. Dans cette expertise, l'abandon a été évalué sur la base du mode de remplacement le meilleur marché possible de l'électricité manquante d'origine nucléaire. Les coûts de l'abandon de l'énergie nucléaire se composent de trois facteurs:

  • Coûts de la perte de capital
    Ces coûts résultent du fait que des installations exploitées de manière sûre sont arrêtées avant la fin de leur durée de vie. L'estimation de ces coûts consiste à examiner à quels coûts la production encore possible des centrales nucléaires pourrait être fournie par d'autres sources d'énergie.
  • Risque du prix du gaz
    Le gaz utilisé comme combustible dans des
    centrales de remplacement des centrales nucléaires présente un risque portant sur son prix. Le prix du gaz est actuellement lié à celui du pétrole qui, du fait de divers facteurs influençant le marché mondial, peut varier fortement, même à court terme. Pour apprécier ce risque, un prix du gaz constant à long terme est comparé à un scénario d'augmentation de ce prix. On a pris ici comme hypothèse de base un prix bas du gaz déjà nettement dépassé par l'évolution des prix sur le marché du combustible (à l'heure actuelle, le prix du gaz a pratiquement doublé par rapport au prix de référence pris comme base).
  • Coûts de la réduction supplémentaire des émissions
    L'utilisation de combustibles fossiles en lieu et place de l'énergie nucléaire pour la production d'électricité donne lieu à des émissions supplémentaires, en particulier d'oxydes d'azote (NOx) et de dioxyde de carbone (CO2), gaz à effet de serre. Des objectifs de politique environnementale ont été fixés en vue de limiter ou de réduire les émissions de ces deux gaz. Si le secteur électrique qui, jusqu'à présent, n'a pas rejeté de tels gaz, produisait de telles émissions, l'économie nationale devrait éviter ces émissions dans d'autres secteurs.


On a objecté en son temps à l'étude que l'objectif de l'abandon n'était pas de remplacer l'énergie nucléaire par des combustibles fossiles, mais qu'il s'agissait d'utiliser en quantité nettement plus importante des agents énergétiques renouvelables tels que la photovoltaïque et l'énergie éolienne pour l'approvisionnement futur en énergie et de parvenir à une diminution de la consommation d'électricité par des investissements ciblés dans les économies d'énergie.
Ces deux options ont donc été examinées en plus. Du fait de leur niveau actuel de développement technique, les agents énergétiques renouvelables se caractérisent encore partiellement par une incertitude considérable sous l'angle de l'évolution future des coûts. Dans cette expertise, on a développé un scénario qui se fonde volontairement sur une évolution très favorable des coûts des agents énergétiques renouvelables de manière à analyser l'aptitude de ces agents énergétiques à remplacer les centrales nucléaires en retenant l'hypothèse que les conditions économiques de ces énergies s'amélioreraient considérablement dans l'avenir (voir les hypothèses à la base de l'étude à la fin de cette version abrégée).
Deux variantes ont été analysées: dans la première variante, on procède à une expansion forcée de l'énergie photovoltaïque jusqu'à une puissance de 3 millions de kW (ce qui correspond à peu près à la puissance actuelle des centrales nucléaires suisses). Viendrait s'y ajouter une expansion de l'énergie éolienne jusqu'à 1 million de kW. Comme alternative à la photovoltaïque, la deuxième variante prévoit une amélioration forcée de l'efficacité dans le domaine de l'utilisation de l'électricité.
Le recours à la photovoltaïque et à l'énergie éolienne doit tenir compte du fait que ces agents énergétiques fournissent des contributions très fluctuantes à l'approvisionnement en énergie, leur
production étant fonction des conditions naturelles (heures de la journée, saison, conditions
atmosphériques, etc.). Il faut donc fournir une compensation par des installations supplémentaires. L'étude prévoit pour cela des installations à couplage chaleur-force. La mise à profit des capacités de production d'électricité des agents énergétiques renouvelables, qui dépend des conditions du soleil et du vent, est relativement faible (la disponibilité annuelle est de 10% environ pour le soleil et de quelque 12% pour l'éolien). Pour cette raison, une production d'énergie continue correspondant aux désirs des consommateurs exige des contributions supplémentaires considérables du couplage chaleur-force.
Ces conditions, qui ont été analysées très en détail à l'aide d'un modèle de simulation horaire pour la Suisse, aboutissent aux coûts de l'abandon du nucléaire présentés ci-dessous. Il s'agit dans chaque cas des coûts suppléentaires par rapport à la poursuite de l'exploitation des centrales nucléaires.
Le cas de référence, avec entière mise à profit des capacités restantes des centrales nucléaires, ne donne lieu à aucun coût d'abandon du nucléaire.
Si les centrales nucléaires sont remplacées par une expansion forcée de la photovoltaïque et de l'énergie éolienne, le coût total de l'abandon du nucléaire atteint jusqu'à 62,1 milliards de francs d'ici à 2045, selon la variante choisie pour l'abandon.
Si l'utilisation plus efficace de l'électricité est forcée par des investissements dans des techniques d'application améliorées, les coûts d'abandon du nucléaire atteignent jusqu'à 47,6 milliards de francs.
Si les centrales nucléaire sont remplacées de manière anticipée par des centrales à gaz, les coûts de l'abandon atteignent jusqu'à 40,1 milliards de francs.
Les trois variantes d'abandon du nucléaire (également celle qui prévoit une utilisation accrue de la photovoltaïque et de l'énergie éolienne) se traduisent par un bilan environnemental bien plus mauvais (émissions de CO2 et d'oxydes d'azote) que le cas de référence.
Le risque du prix du gaz et les coûts de réduction supplémentaire d'émissions sont plus faibles en cas d'utilisation d'énergies renouvelables et/ou d'amélioration de l'efficacité énergétique qu'en cas de remplacement des centrales nucléaires par des centrales à gaz.
Globalement, les coûts de l'abandon du nucléaire seront toutefois alors considérablement plus élevés. Les économies d'énergie sont quant à elles nettement meilleur marché que l'utilisation de l'énergie photovoltaïque à grande échelle.
La raison d'utiliser des agents énergétiques renouvelables est l'amélioration du bilan environnemental. Etant donné toutefois que l'énergie nucléaire ne donne lieu à aucune émission de CO2 ou d'oxydes d'azote et qu'en cas d'utilisation d'énergie renouvelable, il faudra employer une quantité considérable de gaz dans des installations à couplage chaleur-force, il s'ensuit là aussi des coûts de réduction supplémentaire du CO2 par rapport à l'utilisation de l'énergie nucléaire. Ces coûts atteignent encore la moitié environ de ceux qu'engendre le remplacement financièrement avantageux des centrales nucléaires par des centrales à gaz.

Hypothèses principales

  • Forte diminution des coûts des cellules photovoltaïques de Fr 6050/kW à Fr 1122/kW en 2045.
  • Diminution des autres coûts du système de la photovoltaïque de Fr 4950/kW actuellement à Fr 3940/kW.
  • Dans le modèle, construction aussi tard que possible d'installations photovoltaïques pour économiser un maximum de coûts.
  • Amélioration des taux de rendement des installations CCF et diminution des investissements spécifiques pour ces installations.
  • Année de base pour le prix du gaz: 1998 (le prix du gaz à la fin de l'année 2000 était presque deux fois plus élevé).
  • Pas de coûts de démantèlement et d'évacuation des résidus pour les installations photovoltaïques (en phase d'exploitation finale, quelque 1,4 million de m2 de cellules photovoltaïques seront à remplacer chaque année).
  • Aucune prise en compte des coûts de réseau pour la chaleur de réseau en cas d'approvisionnement en chaleur par des installations CCF (hypothèse: le prix de la chaleur établi couvre ces coûts; ceci est assez vraisemblable surtout pour les nouveaux réseaux de chaleur)
  • Les besoins en électricité restent constants si bien qu'il n'en résulte aucun coût d'économie d'énergie supplémentaire.
  • Les centrales hydrauliques à accumulation sont utilisées en second lieu.
  • Lors de production élevée d'énergie solaire, celle que fournissent les centrales hydrauliques à accumulation doit être repoussée aux heures de charge réduite. La force hydraulique à accumulation perd ainsi de la valeur. Ceci n'a pas été pris en considération dans l'évaluation économique.
  • L'utilisation élevée de la photovoltaïque augmente le niveau des prix de l'électricité. Il en résulte un écart de prix par rapport à l'étranger, ce qui exige des mesures de compensation entraînant des distorsions économiques. De tels effets n'ont pas été analysés ni inclus.

Conclusions économiques et politiques

Prof. Silvio Borner, Professeur titulaire d'économie publique, Directeur du département de la recherche appliquée du Centre des sciences économiques de l'Université de Bâle


Etude I: coûts de l'abandon jusqu'à 40 milliards de francs
Dans la première partie de l'étude, il a été montré que l'acceptation des initiatives "Sortir du nucléaire" et/ou "Moratoire-plus" entraînerait pour l'économie nationale un préjudice de 28 à 40 milliards de francs. Ce coût est le minimum absolu non réductible (Rock Bottom) pour le cas d'un remplacement des centrales nucléaires par l'option la meilleur marché sous l'angle économique, à savoir par des centrales gaz-vapeur. Ces pertes pour l'économie nationale se composent de trois éléments:

  • Perte financière directe de capacités de production (effet de tremblement de terre)
  • Coûts du risque du prix du gaz (effet sur les prix)
  • Coûts de réduction supplémentaire du CO2 (effet sur l'environnement)


Etude II: énergies renouvelables au lieu du gaz
Ce résultat de la première étude a suscité les objections suivantes, objections à prendre au sérieux:

  • Les auteurs des initiatives "Sortir du nucléaire" et "Moratoire-plus" n'ont certainement pas l'intention de remplacer les centrales nucléaires par des centrales gaz-vapeur alimentées par du combustible fossile, mais par des énergies renouvelables et/ou par une amélioration de l'efficacité énergétique.
  • L'étude impute unilatéralement des coûts externes (CO2, NOx) aux centrales fossiles à gaz-vapeur de remplacement et néglige les coûts externes des centrales nucléaires (démantèlement, stockage des déchets radioactifs, peurs psychologiques).


Recours forcé à la photovoltaïque, à l'énergie éolienne et aux économies d'énergie
La deuxième étude analyse essentiellement le premier point de critique et calcule, à nouveau comme scénario du minimum absolu ("Rock Bottom"), les coûts de l'abandon du nucléaire sans centrales gaz-vapeur pour les deux variantes énergies alternatives et élévation de l'efficacité énergétique. A préciser ici que dès la première étude, le développement des énergies renouvelables ainsi que les potentiels d'économie d'électricité ont été explicitement pris en considération pour autant qu'ils semblaient techniquement possibles et judicieux sous l'angle économique. Les deux nouveaux scénarios consistent donc à forcer au niveau politique l'utilisation de la photovoltaïque et de l'énergie éolienne ainsi que les économies d'énergie. La couverture des besoins exige alors une extension considérable du couplage chaleur-force, si bien qu'avec ces scénarios, un volume important d'agents énergétiques fossiles serait également nécessaire pour remplacer l'énergie nucléaire.

Coûts de l'abandon d'après l'étude II: jusqu'à 62 milliards de francs
Les coûts de ces deux nouvelles variantes sont donc logiquement considérablement plus élevés que dans la première partie de l'étude. Au lieu d'une marge de 28 à 40 milliards de francs, il est question maintenant d'une marge de 33 à 62 milliards de francs; ce sont essentiellement les coûts de la perte de capital qui pèsent ici davantage. Une troisième variante possible, à savoir le remplacement progressif des centrales nucléaires actuelles, après la fin de leur durée de vie, par de nouvelles centrales de ce type, n'a pas été calculée, cette variante n'étant pas discutée pour l'instant. Il y a lieu toutefois d'approuver entièrement le point de vue du Conseil fédéral selon lequel cette option doit être maintenue pour l'avenir dans toutes les circonstances. Il faut de même se rallier à l'avis du Conseil fédéral qui estime qu'aucune limitation dans le temps des durées d'exploitation des centrales nucléaires ne doit être inscrite dans la nouvelle loi sur l'énergie nucléaire. Toute personne qui exige d'ores et déjà des dates fixes pour l'arrêt des centrales nucléaires doit donner sa voix aux initiatives "Sortir du nucléaire" et/ou "Moratoire-plus".

L'abandon entraînerait davantage de gaz à effet de serre
Nous voici ainsi arrivés au deuxième point de critique: on aurait imputé leurs coûts externes (CO2, NOx) aux centrales gaz-vapeur, resp. au couplage chaleur-force, mais pas les leurs aux centrales nucléaires.
Formulé ainsi, ce reproche n'est pas valable. Il est et il reste incontestable que l'abandon d'un approvisionnement en électricité sans CO2 en cas de remplacement des centrales nucléaires par des centrales gaz-vapeur ou par le couplage chaleur-force entraînerait obligatoirement davantage d'émissions de gaz à effet de serre. Comme dans la première partie, les coûts correspondants pour le climat ont été fixés à un minimum absolu.
A l'opposé, les coûts climatiques externes des centrales nucléaires sont pratiquement équivalents à zéro. Contrairement à la force hydraulique, et surtout à la photovoltaïque, les coûts du démantèlement des centrales nucléaires, de même que le stockage des déchets, sont internalisés par des prescriptions réglementaires radicales et par des suppléments correspondants de coûts.
Les seuls coûts externes de l'énergie nucléaire restent les risques de catastrophe au-delà de la valeur d'assurance maximale et les peurs psychologiques.

Soleil et vent: les capacités de réserve ("backup") doublent les dépenses d'investissement
Le soleil et le vent sont de merveilleuses sources d'énergie pour l'humanité. Ils ne conviennent malheureusement tout simplement pas comme piliers centraux d'un réseau d'électricité, ceci pour trois raisons:

  • L'électricité ne peut pas être emmagasinée/stockée, c'est-à-dire que l'offre et la demande doivent être équilibrées à chaque seconde. Si tel n'est pas le cas, il en résulte des excédents sans valeur ou des interruptions d'approvisionnement aux conséquences graves.
  • Les énergies photovoltaïque et éolienne ne sont disponibles que pendant 10% du temps environ et, de plus, ne sont pas planifiables sous l'angle de l'alimentation. Aussi longtemps qu'une vaste plate-forme d'énergie nucléaire garantit l'approvisionnement de base 24 heures sur 24 pendant toute l'année, l'alimentation marginale en électricité à partir de sources non planifiables telles que la photovoltaïque et l'énergie éolienne est techniquement faisable et judicieuse sous l'angle économique.
  • Il résulte des deux points ci-dessus que l'énergie nucléaire (environ 40% de la production suisse d'électricité) ne peut être remplacée que par des centrales planifiables à combustible fossile. En d'autres termes, il faut aménager comme "backup" (réserve) derrière chaque centrale photovoltaïque ou derrière chaque éolienne une centrale gaz-vapeur ou une centrale chaleur-force de dimensions presque aussi importantes. Ce double investissement constitue la raison principale des coûts considérablement plus élevés par rapport à la variante gaz-vapeur.


Arrêt des centrales nucléaires seulement possible pour un coût économique et écologique respectable
Comme déjà mentionné, les coûts de l'abandon du nucléaire ont été ajustés au minimum absolu. Mais au-delà de ce minimum, ils sont inévitables et irréductibles. En d'autres termes: mis à part les avantages non monétaires de la mise à l'écart du nucléaire, il n'y a rien, mais absolument rien à imputer de positif en face de ces coûts supplémentaires. Les calculs illusoires si prisés avec déclenchement d'investissements supplémentaires, créations d'emplois, etc. sont scientifiquement indéfendables. Etant donné que les ressources correspondantes seraient employées de manière non économique, par volonté politique il faut bien le dire, une utilisation économiquement plus efficace entraînerait également les meilleures conséquences indirectes. D'où encore une fois la morale de l'histoire: on peut arrêter les centrales nucléaires et les remplacer par une combinaison d'énergies renouvelables, d'économies d'électricité forcées et de couplage chaleur-force. Mais ceci seulement pour un coût économique et écologique respectable. De manière analogue aux taxes sur l'énergie, il ne se constituera aucun "deuxième dividende", sauf si on ignore la théorie éprouvée de l'économie pour s'en remettre au jargon des chasseurs de subventions.

L'utilisation forcée du soleil et du vent affaiblit la force hydraulique à accumulation
L'utilisation forcée extrême de la photovoltaïque et de l'énergie éolienne jusqu'à la limite supérieure économiquement douloureuse de 3 gigawatts, respectivement de 1 GW, entraîne non seulement des coûts d'investissements élevés et des coûts externes (non considérés ici), mais affaiblit également la force hydraulique provenant des centrales à accumulation. Si on remplace en effet de l'énergie en ruban disponible de manière continue par une alimentation fluctuante d'origine photovoltaïque et/ou éolienne, l'énergie d'accumulation aujourd'hui librement disponible dans le temps doit être rétrogradée à la fonction technique de bouche-trou. Au lieu d'électricité de pointe onéreuse, les centrales à accumulation devraient fournir de l'électricité de second rang pour combler les vides. Les installations correspondantes perdent alors une partie de leur valeur économique. C'est alors que surgissent de vrais investissements non amortissables. Par contre, la photovoltaïque et les centrales nucléaires sont complémentaires. Plus il y a d'énergie en ruban fiable, plus les chances des énergies renouvelables sont grandes!

Il est aussi possible d'économiser trop d'énergie
Le dénominateur commun des deux nouvelles variantes est l'aménagement de capacités de couplage chaleur-force qui dépassent la puissance installée actuelle des centrales nucléaires de 3 gigawatts. Ceci serait une évolution dans la mauvaise direction des points de vue économique et écologique car la production suisse d'électricité se fait actuellement sans émissions de CO2. Restreindre la consommation d'électricité au-delà de la proportion efficace en termes économiques est contre-productif pour l'économie et pour l'environnement. Il est tout simplement faux de dire que le kilowattheure le moins coûteux et le meilleur est celui qui n'est pas produit. On peut en effet aussi économiser trop d'électricité et subventionner ainsi indirectement les agents énergétiques fossiles, ralentir le progrès technique ou entraver des investissements productifs. Les coûts économiques des économies forcées d'électricité peuvent ainsi parfaitement dépasser l'avantage de ces dernières.

Couplage chaleur-force: des investissements élevés dans des surcapacités
Le couplage chaleur-force est d'un côté attractif en soi du fait de son taux de rendement technique relativement élevé. Il exige toutefois de gros investissements dans des surcapacités, et en plus du CO2, il comporte encore d'autres coûts externes (aménagement de réseaux de chaleur). Parallèlement à la circulation routière privée, l'isolation thermique dans les bâtiments constitue le deuxième point central invoqué pour des économies d'agents énergétiques fossiles. Meilleure est l'isolation thermique des bâtiments, et plus les réseaux d'interconnexion de chaleur sont inefficaces! D'un point de vue économique, l'isolation thermique combinée à des pompes à chaleur décentralisées et/ou à des chauffages alternatifs est donc un meilleur point de départ que l'aménagement coûteux de nouveaux réseaux de chaleur.

Suisse transformée en "île du prix de l'électricité" suite au renchérissement de la production
La libéralisation du marché de l'électricité en Europe ne va pas s'arrêter aux frontières suisses. Du fait du renchérissement considérable de la production d'électricité qu'elles provoqueraient, les variantes présentées dans l'étude devraient transformer la Suisse en une "île du prix de l'électricité". Celle-ci ne pourrait pas résister à l'assaut de la concurrence internationale, à moins de construire un mur de protection avec de nouvelles réglementations et subventions. Mais ceci entraînerait encore une fois des coûts supplémentaires pour l'économie nationale.

Le point de vue des entreprises électriques en 5 thèses

M. Hans Fuchs, Directeur de la production thermique, Aar et Tessin SA d'Electricité (Atel), Olten, membre du comité énergie nucléaire (UAK) des Ueberlandwerke (sociétés d'électricité d'importance nationale), vice-président de l'Association suisse pour l'énergie atomique (ASPEA)


  1. Nous ne sommes mariés à aucune forme d'énergie
    Lors de notre conférence de presse du 22 février 2000 sur la 1ère partie de cette expertise, M. Peter Wiederkehr, président de la direction des Forces Motrices du Nord-Est de la Suisse (NOK), s'était exprimé en ce sens: "Les producteurs d'électricité ne sont fixés sur aucune énergie; ils produisent selon des critères économiques, et non pas idéologiques".
    Je voudrais afficher cette opinion de manière encore plus claire: nous ne somme mariés à aucune forme d'énergie, à l'énergie nucléaire non plus. Nous produisons des kilowattheures, pas des professions de foi.
  2. Ne sommes-nous pas quand même mariés à l'énergie nucléaire en réalité?
    Les résultats de l'expertise (1ère et 2e parties) sont décevants: même dans l'hypothèse de circonstances les plus favorables possible, nos centrales nucléaires ne pourront être remplacées que pour des coûts élevés et avec de graves conséquences pour l'environnement et le climat. Dans la réalité, nous sommes donc effectivement bien mariés à l'énergie nucléaire pour les prochaines décennies.
  3. Qui sème le soleil récolte gaz et pétrole
    La 2e partie montre qu'en termes de puissance, on pourrait effectivement remplacer les centrales nucléaires par des installations photovoltaïques, mais que malgré des coûts énormes de 50 à 60 milliards de francs, la production d'électricité solaire ne correspondrait qu'à la production d'électricité de la centrale nucléaire de Mühleberg à peu près, ce qui veut dire qu'en dépit de cette "solarisation" extrême, Beznau, Gösgen et Leibstadt seraient remplacées par du gaz et du pétrole.
  4. Le soleil et le vent ne s'orientent pas en fonction des besoins en électricité, mais ont quand même leur place
    L'électricité d'origine solaire et éolienne ne peut pas se planifier. Mais avec 60% environ de force hydraulique partiellement flexible et 40% d'énergie nucléaire, la structure de notre bilan énergétique laisse tout à fait une place à l'électricité solaire et éolienne, si nos clients le désirent ... et paient.
  5. Nous avons besoin d'une loi sur l'énergie nucléaire porteuse d'avenir
    Si, conformément à cette expertise, nous restons mariés en réalité à l'énergie nucléaire pendant des décennies, nous avons besoin d'une loi sur l'énergie nucléaire porteuse d'avenir qui approuve et encourage la répartition internationale des tâches et la poursuite du développement technique. Des anachronismes tels qu'une interdiction du retraitement fondée sur des arguments dépassés ou une nationalisation des activités en matière de gestion des déchets sont donc à supprimer.

Source

Dr. H. Fuchs, Prof. Dr. S. Borner

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