La technique nucléaire rendra possible les missions spatiales habitées vers des planètes éloingées

Dans le cadre d’une conférence en ligne de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), des scientifiques ont fourni un aperçu des techniques nucléaires qui pourraient être utilisées lors de prochaines missions spatiales, et ont présenté leurs projets de recherche. Pour pouvoir se rendre sur des planètes telles que Mars, les moteurs nucléaires sont indispensables: ils offrent des capacités de charge plus élevées que les systèmes de propulsion chimiques et rendent possibles des voyages plus longs. Les scientifiques souhaiteraient également approvisionner en énergie les engins spatiaux et les bases spatiales présentes sur la lune et sur Mars grâce à des réacteurs de fusion et des réacteurs de fission.

1 mars 2022
Propulsion spaciale
Des engins spatiaux fonctionnant avec des moteurs nucléaires seront utilisés dans les futures missions spatiales habitées.
Source: Pat Rawlings/Nasa

Les spécialistes en aéronautique et en technique nucléaire sont unanimes: «L’exploration spatiale sur Mars, dans notre système solaire et au-delà entre dans une ère nouvelle.» La technique nucléaire jouera un rôle majeur dans les missions spatiales du futur. Elle offre des perspectives prometteuses pour rendre les missions interplanétaires plus rapides, plus efficaces et plus économiques.» Telles sont les conclusions de la conférence en ligne de l’AIEA, intitulée «Atoms for Space: Nuclear Systems for Space Exploration», au cours de laquelle des scientifiques ont fourni un aperçu des projets en cours concernant l’utilisation de la technique nucléaire dans les missions spatiales.

«Depuis longtemps déjà, la technique nucléaire joue un rôle majeur dans les grandes missions spatiales», a déclaré Michail Chudakov, directeur général adjoint de l’AIEA et chef du Département énergie nucléaire. «Les futures missions pourraient utiliser des systèmes nucléaires pour un large spectre d’applications. Notre chemin vers les étoiles passe par l’atome». Pour permettre la mise en œuvre de tels projets, de nombreux travaux de recherche et de développement sur la fusion et la fission nucléaire seront nécessaires. Les deux technologies pourraient être utilisées pour la propulsion des fusées et l’approvisionnement électrique des engins spatiaux. En tant que source d’énergie fiable, elles pourraient aussi offrir un approvisionnement énergétique aux bases habitées et aux rovers présents sur d’autres planètes. L’AIEA a présenté les trois domaines d’applications dans un communiqué sur la conférence en ligne.

Propulsion des engins spatiaux
«Les futures missions spatiales habitées nécessiteront très probablement des motorisations dont le niveau de puissance dépassera, de loin, celui des propulseurs chimiques actuels», a déclaré William Emrich, ancien ingénieur chef à la Nasa. D’après M. Emrich, la propulsion thermique nucléaire (Nuclear Thermal Propulsion, NTP) est un candidat solide: un réacteur nucléaire chauffe un carburant liquide tel que l’hydrogène afin que celui-ci s’évapore, et le gaz libéré est alors mis sous pression et expulsé à l’aide d’une buse. Ce procédé génère une poussée qui propulse l’engin.

Les véhicules équipés d’une NTP devront transporter moins de carburant dans l’espace, ce qui leur permettra de se déplacer plus rapidement. «Si l’on compare aux fusées traditionnelles, la durée du voyage vers Mars sera réduite jusqu’à 25%», a précisé l’AIEA. Les astronautes seront ainsi exposés moins longtemps au rayonnement cosmique.

Concernant la propulsion nucléaire électrique (Nuclear Electric Propulsion, NEP), la poussée provient d’un propulseur qui éjecte des ions. Celui-ci est alimenté en électricité par un réacteur nucléaire. Contrairement à la NTP, avec la NEP, il n’est pas nécessaire d’emporter de carburant liquide à bord. Ici, la poussée est certes plus faible que dans le cas d’un moteur chimique, mais elle est continue et l’efficacité en termes de carburant est bien plus grande. «Cela conduit à une vitesse plus élevée, et ainsi à une durée de voyage vers Mars potentiellement réduite de 60% par rapport aux fusées chimiques traditionnelles», explique l’AIEA.

Enfin, Stephanie Thomas, vice-présidente de Princeton Satellite Systems, a présenté son concept de réacteur Princeton Field Reversed Configuration (présentation de 2019). Dans le cadre de ce Direct Fusion Drive (DVD), la poussée est générée directement par la réaction de fusion. Par ailleurs, le réacteur permettra d’approvisionner en électricité les systèmes de bord du véhicule spatial, mais aussi, pourquoi pas, une base lunaire (vidéo YouTube). Mme Thomas a souligné que le réacteur était petit et que quelques kilos de carburant seulement suffisaient à faire fonctionner un véhicule spatial durant dix ans.

Des systèmes d’approvisionnement énergétiques sur les autres planètes
L’AIEA estime que les réacteurs nucléaires représentent une source d’énergie fiable pour les astronautes dans le cadre de missions d’exploration prolongées, et ils rendraient aussi possible la présence durable d’êtres humains sur d’autres planètes. Les microréacteurs peuvent en effet fournir de l’énergie durant des décennies, sans rechargement du combustible. La puissance électrique est de quelques dizaines de kilowatts. À ce jour, la priorité porte sur l’utilisation de combustible contenant de l’uranium faiblement enrichi (LEU).

«La Nasa continue à accorder la priorité au développement, à la construction et à la démonstration d’un réacteur nucléaire fonctionnant avec de l’uranium faiblement enrichi, qui offre de nombreuses possibilités d’utilisation pour les missions sur la lune et pour d’éventuelles missions habitées sur Mars», a déclaré Anthony Calomino, responsable du portefeuille de technologies nucléaires de la Nasa.

De l’énergie pour les systèmes de bord des engins spatiaux
Outre pour la poussée, les véhicules spatiaux ont besoin d’électricité pour faire fonctionner les systèmes de survie, les systèmes de communication et autres appareils. Les batteries à radionucléides – ou Radioisotope Thermoelectric Generators (RTGs) – ont ainsi fourni de l’électricité durant plusieurs décennies à la sonde spatiale Voyager, loin du soleil. D’après les scientifiques, de telles batteries pourraient également fournir de la chaleur et de l’électricité sur le long terme aux systèmes de bord des futurs engins spatiaux, dans les conditions difficiles de l’espace, où les températures sont très froides, et ce sans qu’aucune maintenance ne soit nécessaire.

Source

B.G./C.B. d’après un communiqué de presse de la IAEO du 18 février 2022 et une invitation à la conférence en ligne de l’AIEA

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