Voyage de presse de l'ASPEA: l'énergie nucléaire américaine dans un marché de l'électricité libéralisé

L'énergie nucléaire est-elle économique aux Etats-Unis, c'est-à-dire dans un pays où le marché de l'électricité a déjà été largement libéralisé? Les centrales nucléaires en service peuvent-elles survivre sur le plan économique dans les nouvelles conditions générales qui prévalent aux USA? Ce sont entre autres ces deux questions qui ont constitué la base d'un voyage de presse de l'ASPEA organisé du 25 avril au 2 mai 1999 aux Etats-Unis.

1 mai 1999

Le programme intéressant, mais chargé, de ce voyage comportait des visites au Nuclear Energy Institute à Washington, à la centrale nucléaire de Calvert Cliffs, à la société Peco à Philadelphie puis, après plusieurs heures de vol, dans la galerie de sondage de Yucca Mountain où les Etats-Unis envisagent de construire un dépôt définitif pour déchets radioactifs. Attirées par ce programme varié, treize rédactions de médias suisses ont décidé d'envoyer une représentante ou un représentant à ce voyage. Le groupe était accompagné par sept personnes de la branche de l'énergie nucléaire suisse.
A Washington, le programme prévoyait tout d'abord une visite auprès du Nuclear Energy Institute NEI, l'organisation qui représente les intérêts de l'industrie nucléaire américaine. Les responsables du NEI avaient convié pour le groupe suisse trois intervenants qui ont donné une vue d'ensemble sur l'énergie nucléaire aux Etats-Unis et abordé dans le détail deux sujets, à savoir la réforme de la législation et la compétitivité économique. Comme ils l'ont expliqué, la procédure américaine des autorisations est en train d'être considérablement simplifiée et accélérée: alors que dans le passé, l'autorité de surveillance NRC (Nuclear Regulatory Commission) s'immisçait par trop dans les affaires des exploitants de centrales nucléaires, elle se concentre aujourd'hui à nouveau sur sa tâche principale, à savoir le contrôle de la sûreté nucléaire. Conjugué avec l'ouverture du marché, ce changement de cap s'accompagne d'une concurrence plus acharnée entre les divers producteurs. Il y a lieu de préciser que la compétitivité de l'énergie nucléaire, c'est-à-dire de la plupart des centrales nucléaires existantes, ne fait actuellement pas l'objet d'une discussion aux Etats-Unis, et la construction de nouvelles centrales nucléaires n'est pas encore un sujet d'actualité.
Le deuxième point à l'ordre du jour concernait la question de la durée d'exploitation des centrales nucléaires du point de vue des exploitants américains. Selon la législation américaine, les centrales nucléaires reçoivent une autorisation pour 40 ans, autorisation qui peut toutefois être prolongée de 20 ans. Le voyage a conduit le groupe à la centrale nucléaire de Calvert Cliffs (deux tranches avec réacteurs à eau sous pression) dans la baie de Chesapeake, au sud de Washington. Cette centrale est la première aux Etats-Unis à avoir demandé une prolongation de son autorisation d'exploitation (Bulletin no 6/1998); selon les responsables de la centrale, la NRC devrait accorder l'autorisation cette année encore. Peter E. Katz, chef de la centrale de Calvert Cliffs, a expliqué la raison pour laquelle la requête a été en fait présentée: ce sont des considérations économiques qui sont à la base de cette demande. Ce n'est que si la centrale reçoit la garantie d'une autorisation de poursuite de son exploitation et si ses deux tranches ne doivent pas être arrêtées en 2015, respectivement en 2016, que les responsables pourront prendre une décision positive quant au remplacement des générateurs de vapeur. Vingt années de fonctionnement supplémentaires permettraient d'amortir les investissements et de maintenir les frais d'exploitation à un niveau peu élevé.
"Nous voulons acheter le plus grand nombre possible de centrales nucléaires et nous gagnerons de l'argent avec elles dès le premier jour sur le marché libre de l'électricité", devait déclarer le lendemain Dickinson Smith, Chief Executive Officer de la société AmerGen à Philadelphie. AmerGen est une filiale commune de Peco Energy Company et de British Energy (parts égales de 50% chacune) qui a été fondée en 1997 dans cet objectif précis. Dans une première phase, l'entreprise a acheté la tranche de Three Mile Island 1 (TMI 1). Cette installation, tranche jumelle de celle de TMI 2 accidentée le 29 mars 1979, s'est fait un nom de par sa bonne fiabilité et ses excellents résultats d'exploitation. AmerGen a déjà acheté entre temps une autre installation (Clinton) et a annoncé son intention d'en acheter d'autres (Nine Mile Point et Vermont Yankee). AmerGen est persuadée de pouvoir continuer d'exploiter de manière rentable ces installations pendant de nombreuses années encore, installations qui ont été vendues par les propriétaires initiaux pour les raisons les plus diverses. "Nous croyons que l'énergie nucléaire a un avenir", a précisé Dickinson Smith, ceci dans le cadre de la déréglementation du marché de l'électricité aux USA, pays où plus de 20 Etats ont déjà réalisé ou introduit l'ouverture de ce marché.
La visite à Yucca Mountain, où le Département de l'énergie projette d'aménager un dépôt définitif pour déchets radioactifs, devait constituer le dernier point culminant relevant du nucléaire que prévoyait le programme du voyage. Yucca Mountain qui se trouve dans le désert du Nevada, à quelque 160 km au nord-ouest de Las Vegas, dispose déjà d'une galerie de sondage en forme d'U d'une longueur d'environ 8 km. Selon les résultats des recherches intenses toujours en cours, la roche volcanique de Yucca Mountain devrait se prêter parfaitement à la construction d'un dépôt définitif. Selon le programme actuel, l'emmagasinage de déchets radioactifs pourra commencer en 2010 au plus tôt.
Le dernier jour avant le retour en Suisse a été consacré à un sujet non nucléaire: le groupe a d'abord visité le musée de la "Lost City" où l'on peut voir des objets des indiens Anasazi de la région; le programme proposait ensuite une excursion dans la "Vallée du Feu", où les tribus d'Indiens d'Amérique ont laissé il y a des milliers d'années des gravures sur pierre: scènes de la vie quotidienne, scènes de chasse, sujets représentant l'homme et les armes, mais aussi symboles tels que cercles, croix ou méandres ornent les rochers de cette région qui a reçu il y a quelques années le statut de parc national. Une dernière nuit à Chicago, un bref tour de cette ville sur la pointe sud du lac Michigan, puis retour non stop en Suisse. Ce voyage d'une semaine a permis aux représentants de la presse et aux spécialistes du nucléaire de se faire une idée sur l'évolution actuelle dans trois domaines de l'énergie nucléaire aux Etats-Unis, pays qui joue traditionnellement un rôle de précurseur pour les autres pays industrialisés:

  1. L'exploitation sûre de centrales nucléaires bien gérées sur le marché libéralisé de l'électricité est considérée comme une affaire rentable dans laquelle se spécialisent diverses entreprises bénéficiant d'une large expérience en tant qu'exploitants nucléaires.
  2. Les premières demandes de prolongation à 60 ans des autorisations d'exploitation limitées à 40 ans ont été présentées et seront examinées rapidement par les autorités compétentes. Nouveauté à souligner: contrairement à la pratique antérieure, les autorités se concentrent sur les aspects proprement dits de sûreté et les séparent nettement des questions d'appréciation politique, si bien que le requérant peut à nouveau cerner le risque d'entreprise que comporte la procédure d'autorisation.
  3. Les travaux d'exploration géologique et technique pour le projet de dépôt définitif de Yucca Mountain sont bien avancés. La lenteur de la réalisation - qui relève aux Etats-Unis de la compétence de Washington - provient là aussi de questions d'acceptation et de droit de consultation, ainsi que des conditions politiques qui prévalent de manière générale.

Source

H.R./C.P.

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