Voyage d’information du Forum nucléaire suisse dans le nord de l’Allemagne

L’uranium et le cycle du combustible ont constitué les thèmes du deuxième voyage d’information que le Forum nucléaire a organisé cette année. Des représentants des médias suisses ont ainsi eu l’occasion de visiter l’usine d’enrichissement d’uranium de Gronau (Rhénanie-du-Nord-Westphalie) et l’usine de fabrication d’assemblages combustibles d’Areva NP de Lingen (Basse-Saxe).

16 déc. 2007
High-Tech issue de 35 ans de développement: les centrifugeuses de l'usine d'enrichissement d'Urenco à Gronau.
High-Tech issue de 35 ans de développement: les centrifugeuses de l'usine d'enrichissement d'Urenco à Gronau.
Source: Urenco

Ce voyage dans le nord de l'Allemagne était accompagné par deux experts qui, la veille du premier jour du voyage, ont fourni aux participants des explications sur le cycle du combustible nucléaire, et en particulier sur le fonctionnement du marché mondial de l'uranium, à savoir Geoff Varley, conseiller de la NAC Worldwide Consulting, une entreprise de conseil en gestion qui travaille depuis plus de 30 ans pour des entreprises de tous les secteurs du cycle du combustible nucléaire, et Tony Williams, directeur de la division des combustibles nucléaires auprès des Forces Motrices du Nord-Est de la Suisse SA (NOK).

Les journalistes présents étaient tout particulièrement intéressés par les détails techniques de deux installations visitées, mais ils ont aussi posé aux experts de multiples questions, si bien que l'on a assisté pendant les deux jours du voyage à de nombreuses conversations tournant toutes autour du thème de l'uranium.

Le marché de l'uranium

Geoff Varley a exposé en détail les caractéristiques du marché de l'uranium. Il s'agit d'un marché de matières premières comme les autres qui est régi par les lois fondamentales de l'offre et de la demande, a-t-il expliqué. Ce marché est influencé en plus lui aussi par des points de vue particuliers, des incertitudes et des événements inattendus. Alors que ces paramètres se modifient rapidement, il faut énormément de temps entre l'exploration d'une nouvelle mine d'uranium et le démarrage de la production. Les perspectives à long terme sont essentielles pour les investissements, la politique jouant ici un rôle déterminant.

Le marché de l'uranium se distingue sous cet angle des marchés d'autres matières premières: étant donné qu'il n'existe pour l'uranium qu'une seule possibilité d'utilisation pertinente, à savoir comme combustible pour la production d'énergie, on se trouve en présence d'une dépendance mutuelle plus forte entre acheteurs et vendeurs, a expliqué Geoff Varley. Le comportement de ces deux groupes exerce une forte influence sur le prix de l'uranium et peut entraîner, le cas échéant, des fluctuations de prix importantes sur le marché spot. Mais le volume commercial réel d'uranium à négocier sur le marché spot est très faible, étant donné que les exploitants des centrales nucléaires achètent la majeure partie dans le cadre de contrats de livraisons bilatéraux à long terme. La liquidité sur le marché libre est donc réduite, et la transparence des prix est limitée. Malgré l'importance relativement faible du marché spot pour le commerce d'uranium, l'évolution de prix qu'il enregistre exerce un effet de signal - regrettable - sur les prix pratiqués dans les contrats à long terme, constate Geoff Varley.

La durabilité de l'uranium

Dans son exposé, Tony Williams a abordé plus en détail la question de l'extraction de l'uranium. En ce qui concerne la durabilité de l'uranium, il a souligné que celle-ci, dépendant de manière décisive du prix de l'uranium, ne pouvait être déterminée avec certitude que pour quelques décennies. C'est ainsi que la durabilité supposée de l'uranium provenant de gisements de minerai exploitable à un prix de 130 dollars par kg d'uranium métallique ne s'est guère modifiée au cours des deux dernières décennies et se situe autour de 150 à 200 ans. Cette stabilité s'explique par l'exploration de nouveaux gisements qui intervient dès qu'une augmentation du prix de l'uranium la rend économiquement intéressante. La poursuite du développement du génie nucléaire en vue d'une consommation plus efficace du combustible prolonge elle aussi la durabilité de l'uranium.

Tony Williams a expliqué aussi que, parallèlement aux gisements classiques d'uranium, il existait d'autres sources pour se procurer cette matière première: par exemple l'uranium redilué provenant de stocks militaires, l'uranium obtenu comme sous-produit de l'exploitation des phosphates, la production d'uranium provenant des scories de centrales au charbon, le retraitement (y compris l'utilisation de combustible Mox), ou le réenrichissement des résidus de l'enrichissement. Même si toutes ces possibilités sont mises à profit, les réserves d'uranium seront suffisantes pour plus de 500 ans en cas de consommation égale à celle d'aujourd'hui. A partir d'un prix de l'uranium suffisamment élevé, il est également possible de mettre à profit l'uranium contenu dans l'eau de mer. Les Japonais ont déjà démontré que ceci était possible dans la pratique. Les réserves d'uranium deviendraient ainsi suffisantes pour des dizaines de milliers d'années avec la technique actuelle des réacteurs, donc sans le recours aux surgénérateurs.

En résumé, Tony Williams est parvenu à la conclusion que l'on disposera dans l'avenir de suffisamment d'uranium à des prix permettant une utilisation économique de l'énergie nucléaire. De plus, l'augmentation des prix de l'uranium constatée ces dernières années a entraîné une intensification de l'exploitation. «Le marché fonctionne», constate l'expert.

L'usine d'enrichissement de Gronau

Le premier objectif du voyage concernant la visite de l'usine d'enrichissement d'Urenco Deutschland GmbH de Gronau, filiale à 100% d'Urenco Enrichment Company Ltd dont le siège est à Marlow, près de Londres. Le groupe Urenco utilise des centrifugeuses qu'il a lui-même mises au point et résultent de 35 années de travaux de développement. Dans l'usine de Gronau, de l'uranium naturel sous forme d'hexafluorure d'uranium (UF6) est enrichi dans des cascades de centrifugeuses à gaz à la valeur qui est exigée pour les centrales nucléaires.

L'usine de Gronau est en service depuis 1985: conjointement avec les autres usines du groupe Urenco à Almelo (Pays-Bas) et à Capenhurst (Grande-Bretagne), elle assure une production pour des clients du monde entier. Gronau a atteint en 1998 une capacité de 1000 tonnes d'unités de travail de séparation par an (UTS/a). Dans le cadre d'une première phase d'extension, l'usine a fait progresser sa capacité jusqu'en 2005 à 1800 tonnes d'UTS/a. Un nouvel agrandissement autorisé en février 2005 portera cette capacité à 4500 tonnes d'UTS/a. La mise en service des nouvelles installations est prévue pour fin 2007. Les investissements qu'elles ont exigés s'élèvent à quelque 800 millions d'euros. Dans sa phase d'extension finale, Gronau permettra de couvrir les besoins annuels de 45 centrales nucléaires du palier de 1000 MW.

L'usine d'assemblages combustibles de Lingen

L'Advanced Nuclear Fuels GmbH (ANP) de Lingen, objet de la visite du deuxième jour du voyage d'information, est une filiale d'Areva NP, laquelle fait partie du groupe international Areva, Paris. Areva SA détient une participation de 66% dans Areva NP, et la Siemens AG allemande de 34%.

A l'usine de Lingen, l'UF6 issu de l'enrichissement est transformé par conversion à sec en poudre d'oxyde d'uranium (UO2) et pressé en pastilles d'uranium. Ces pastilles font ensuite l'objet d'un traitement complémentaire pour la fabrication d'assemblages combustibles destinés à des réacteurs à eau légère. ANF produit chaque jour entre 200'000 et 400'000 pastilles.

Depuis le démarrage de la production en 1977, plus de 25'000 assemblages combustibles ont été produits à Lingen. L'autorisation de droit atomique limite actuellement la capacité de production de l'installation à 650 tonnes par an d'uranium enrichi. Cette quantité suffit pour l'exploitation d'une trentaine de grandes centrales nucléaires.

Sur mesure pour le client: un collaborateur d'ANF lors de la fabrication d'assemblages combustibles à Lingen.
Sur mesure pour le client: un collaborateur d'ANF lors de la fabrication d'assemblages combustibles à Lingen.
Source: ANF

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M.R./C.P.

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